Le Président, la légende et le flash-ball

Le 24 février 2011

Sarkozy et le Flashball, c'est une longue histoire. Presque une légende comme le montre l'analyse d'une photo et de sa légende publiée sur liberation.fr

A mi chemin entre Les Incorruptibles de De Palma et Les Affranchis de Scorcese, nous avons la chance, en France, d’avoir Les pizzaiolos, les quatre mousquetaires de l’ultra-sécuritaire, Luca, Mariani, Estrosi et Ciotti qui ont largement inspiré Nicolas Sarkozy cet été. Malgré les écueils politiques qui menacent cette navigation à vue derrière le FN, qui lui a déjà valu des déboires dans l’opinion publique, le président s’est saisi d’un fait divers atroce pour ressortir ses biscotos et montrer son sens tout Bronsonien de la justice.

La légende du président policier est restaurée pour l’occasion. Dans le droit fil des enseignements politiques qu’on peut tirer des romans de James Ellroy racontant comment les pontes du LAPD tenaient Los Angeles en coupe réglée durant les années cinquante. Faire peur d’un côté et incarner l’ordre, engendrer le désordre et arriver avec la cavalerie. La recette est déjà vieille, mais quand on a plus d’inspiration, il faut bien compter sur la crédulité du peuple…

Mais la légende la plus intéressante ici n’est pas celle qu’essaie désespérément de raconter notre président policier du dimanche, c’est plutôt celle de l’image que Libération.fr a choisie pour illustrer son article [du 4 février, ndlr] sur la sortie du président contre les faiblesses d’un système judiciaire qu’il a lui-même affaibli.

Nicolas Sarkozy armé d’un Flash-Ball à Orléans jeudi.

La légende est surprenante s’agissant d’une visite présidentielle très solennelle où aucun danger ne menaçait directement le président, si ce n’est celui de faire bien pâle figure dans la course à l’Elysée. Pourquoi s’est-il armé ? Pour arrêter qui ? Pour chasser quoi ?

L’homme d’action

Entre tenir une arme et en être armé il y a un pas menaçant que la légende de Libération.fr fait franchir à Nicolas Sarkozy… Ainsi, on ne nous dit pas qu’il tient un Fash-Ball mais qu’il en est armé. Comme Poutine, notre président est d’abord un homme d’action, un cow-boy, l’homme qui tua Liberty Valence. Alors “Print the legend”. L’heure est grave, le président s’est donc armé.

La précision n’a d’ailleurs aucune utilité, Nicolas Sarkozy ne fait rien de particulier avec ce Flash-Ball, il le tient maladroitement et c’est probablement la raison pour laquelle son entourage immédiat ne quitte pas l’arme des yeux. C’est que malgré tout, le Flash-Ball est dangereux. Et vu le regard vide, la mine défaite et la pâleur du président, il est compréhensible que ses amis se méfient… Joe Pesci avant de tirer dans le tas n’a pas, dans les films de Scorcese, un visage très différent.

Le jeu de Libération.fr est précisément dans cette figure de rhétorique visuelle que la légende ambiguë vient discrètement cadrer. L’exagération ironique…  Sarkozy est “armé” et l’image, aux tonalités chromatiques grisâtres, en contre plongée accentuée, légèrement surexposée, montrant des hommes sévères dont certains portent des uniformes, évoque les affiches de films de flics, ou de gangsters. C’est ici sur le registre visuel que joue l’image, représentant une sortie politique sécuritaire sur le registre visuel de l’affiche de film de Tough guys, soulignant cette virilité guerrière par la légende de l’image, cette photographie de presse se présente comme une parodie qui dénonce elle-même une parodie. Une fiction trop voyante qui montre une fiction trop voyante… A ce degré de recul humoristique, le trait est sacarstique et inattaquable.

Reste à savoir si les électeurs y verront plutôt une évocation des Incorruptibles ou plutôt une résurgence des affranchis.

Article initialement publié sur le blog d’Olivier Beuvelet Parergon

Illustration : Parergon / FlickR CC Shaun Wong

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