OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Psychanalyse du web http://owni.fr/2011/10/27/psychanalyse-du-web/ http://owni.fr/2011/10/27/psychanalyse-du-web/#comments Thu, 27 Oct 2011 10:21:24 +0000 Christian Fauré http://owni.fr/?p=84805

L’ingénieur Christian Fauré analyse la portée de la distinction entre les notions de transport et de transfert sur Internet. Dans son propos, le transport fait référence aux moyens matériels de mise en relation, au cuivre ou la fibre qui achemine vos données. Le transfert fait référence lui aux représentations que nous échangeons, par le biais du peer-to-peer ou par le protocole SMTP utilisé pour nos emails chargés de sens.

Parler d’infrastructure du numérique c’est toujours prendre le risque d’ennuyer son auditoire et de faire peur :

On va encore nous parler des autoroutes de l’information, d’accès internet à très haut débit, de la taille des tuyaux, etc.

Or je ne parlerai pas de tuyaux, ni d’accès internet à très haut débit, ni de fibre optique ou de Wimax. Non pas que ces questions soient secondaires — elles sont même nécessaires — mais ce ne sont pas les questions qui sont premières selon l’ordre des questions qui sont les miennes.

Mais alors, que reste-t-il de l’infrastructure du numérique si on fait abstraction des réseaux de transport ? Eh bien, ce qui reste — le reste qui m’intéresse —  ce sont les réseaux de transferts. Il s’agira donc ici d’infrastructures de transferts plus que d’infrastructures de transports.

Quelle distinction fais-je entre transport et transfert (Cf Transfert ou Transport en 2009)?

Tout d’abord, et l’on me pardonnera d’évacuer si grossièrement la question, si les deux relèvent de la mobilité et du déplacement, on peut dire que les réseaux de transports déplacent des objets et plus généralement de la matière, là où les réseaux de transferts déplacent des représentations, des symboles et, d’une manière générale du signifiant.

N’allez pas croire pour autant que j’oppose les réseaux de transferts aux réseaux de transports. Les distinguer n’est pas les opposer, et cela d’autant plus que, à ma connaissance, aucun réseau de transfert n’existe s’il ne s’appuie pas lui-même sur un réseaux de transport.

En informatique, cette articulation entre les différents protocoles de réseaux est illustrée par le modèle en couche OSI. Modèle dans lequel on voit bien que l’ensemble des protocoles qui « changent la donne » sont les protocoles de transferts : SMTP, FTP et, bien sûr, HTTP qui sont les protocoles applicatifs qui s’occupent des data. C’est en ce sens que je parle de Dataware et de Metadataware à propos des technologies de transferts.

Dans l’ouvrage collectif « Pour en finir avec la mécroissance » j’ai présenté cette dimension industrielle de l’infrastructure des réseaux de transferts du numérique qui n’est pas l’infrastructure de transport ; il s’agissait de lutter contre l’incurie d’une idée qui s’était propagée dans l’intelligentsia française, dans la classe politique et dans les discours des média analogiques. Une idée qui présentait le numérique comme l’équivalent du virtuel ; un lieu en dehors des questions d’économies et de politiques industrielles ; ce que l’on nomme à présent la fable de l’immatériel.

Ce qui a été qualifié de virtuel, et qui donc a été manqué, c’est précisément les infrastructures de transferts, celles dont l’usine moderne est le data center (déviance centripète des réseaux distribués). En matière de réseaux de transports du numérique, la France est plutôt bonne. Il est souvent souligné que la qualité du réseau français est bien meilleure que celle du réseau américain. Mais là où çà pèche, si je puis dire, c’est dans les réseaux de transferts qui sont, aujourd’hui encore, en attente d’une politique industrielle.
Ne pas faire la distinction entre les infrastructures de transport et les infrastructures de transferts c’est ne pas comprendre la guerre de tranchée que les industries du transport et celles du transfert mènent depuis plusieurs années. Cela se manifeste par exemple lorsque les opérateurs telecom refusent d’investir seuls dans les nouvelles infrastructures de transports sous prétexte que ceux qui vont se connecter à ce réseau de transport vont ensuite être captés par les serveurs de transferts des nouveaux industriels du web, c’est à dire les industriels des technologies de transfert. [Cf les citations des patrons de telecom]

De la même manière, les débats sur la « neutralité du net » relèvent pleinement la distinction entre Transport et Transfert.

Le propre du Transfert

Par ailleurs, puisque nous nous intéressons aux réseaux de transferts, le Littré nous rappelle que « transfert » est un terme d’origine financière et juridique ; on transfère des droits, des actions, des biens et donc des propriétés. Ce qui veut dire que le transfert est le domaine du propre.

Je pense qu’il est inutile de rappeler à quel point les questions juridiques sont en première ligne de la mutation induite par l’émergence des industries de transferts numériques puisque la principale réponse du gouvernement Français aux enjeux des réseaux numériques de transferts a été de criminaliser les pratiques de transferts.

Puisqu’il est question de propre et de propriété, il faut à ce sujet rappeler que la première des propriétés qui est la notre, dans ces réseaux numériques, c’est les données que nous produisons puisque, avec l’architecture associé du numérique — associé au sens ou l’on est à la fois récepteur et émetteur —  chacun peut produire et publier (et même publier à ses dépends).

Or, que font les industries du transfert numérique ? Elles ont tendance à fonctionner précisément sur la base du transfert nos propres données, de notre propre numérique, de nos traces numériques. Ainsi,  la première chose que nous acceptons en rejoignant un service de réseau social privé, ce sont les « Conditions Générales d’Utilisation » en vertu desquelles nous transférons des droits d’usages sur notre propriété numérique.

Malheureusement, dans l’économie que nous propose les industriels des réseaux numériques de transferts, il y a toujours le risque qu’en s’appropriant les données des utilisateurs, leur propriété numérique, ces derniers ne deviennent purement et simplement des « propres à rien » dans cette logique d’exploitation des données qui vire à la dépossession.

S’approprier les réseaux numériques de transferts n’est pas la même chose que s’adapter aux réseaux numériques (on reconnaît là le discours latent des propos qui se focalisent sur l’accès internet à haut débit). L’alternative entre adoption du numérique (prendre en soi) et adaptation au numérique (prendre sur soi, comme un fardeau) est celle que Bernard Stiegler présente sous la forme suivante :

« servitude volontaire automatisée versus économie de la contribution ».


Article initialement publié sur le blog de Christian Fauré, sous le titre “Le propre du transfert et le transfert du propre (infrastructure studies)”.

Illustration CC FlickR erix (cc-by)

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Mobilité partagée : en route pour l’âge de l’accès ! http://owni.fr/2011/06/21/mobilite-partagee/ http://owni.fr/2011/06/21/mobilite-partagee/#comments Tue, 21 Jun 2011 06:26:41 +0000 Antonin Léonard http://owni.fr/?p=70846 Il y a dix ans était publié L’âge de l’accès de Jérémie Rifkin, dans lequel l’auteur américain annonçait l’arrivée imminente d’un nouvel âge du capitalisme et d’une société fondée sur l’accès aux biens :

Le rôle de la propriété est en train de subir une transformation radicale. Les conséquences de cette révolution sont d’une portée fondamentales pour notre société. […] D’ici à 25 ans, l’idée même de propriété paraîtra singulièrement limitée, voire complètement démodée. […] C’est de l’accès, plus que de la propriété, que dépendra désormais notre statut social.

Dix ans après, cette prophétie semble se concrétiser : les premiers signes sont en tout cas suffisamment révélateurs pour que d’autres éditorialistes et auteurs de renom reprennent aujourd’hui cette prophétie à leur compte. « Un jour, nous regarderons le XXème siècle et nous nous demanderons pourquoi nous possédions autant de choses » affirmait ainsi récemment Bryan Walsh dans TIME Magazine qui consacrait  la Consommation Collaborative comme l’une des dix idées amenées à changer le monde. Pour Lisa Gansky, auteur de The Mesh, « nous nous dirigeons vers une économie où l’accès aux biens s’impose sur leur possession ». Cette économie est-elle vraiment sur le point d’émerger ? Voici une manifestation emblématique d’un mouvement qui s’accélère depuis quelques mois.

Symbole de ce mouvement : la mobilité partagée

Parmi les statistiques les plus marquantes de cette nouvelle économie, la mobilité tient le haut du pavé. Les systèmes de vélo partagé drainent ainsi plus de 2,2 millions de trajets chaque mois dans le monde. A Hangzou (en Chine), la plus grosse communauté de bike-sharing au monde, ce sont plus de 240.000 trajets qui sont effectués chaque jour grâce aux 50.000 vélos (soit le double du Vélib’ à Paris) et aux 2.000 stations disponibles.

Le vélo partagé est aujourd’hui la forme de transport  qui connaît la plus forte croissance dans le monde et la voiture partagée devrait rapidement lui emboîter le pas. La voiture cristallise en effet les critiques du consumérisme et de notre mode de vie non durable. La génération des 20-30 ans, aussi appelée Y, est semble-t-il en train de se détacher à une vitesse insoupçonnée de l’objet voiture, ce qui n’est pas pour plaire aux premiers concernés, les constructeurs automobiles, nous dit John Elkington dans Le Guardian.

Ce qui effraie véritablement l’industrie automobile est le fait que les jeunes se mettent à envisager différemment la possession d’une voiture. Au contraire des générations précédentes, pour lesquelles posséder une voiture était un signe d’indépendance, de succès, les jeunes sont aujourd’hui considérablement moins enclins à posséder leur propre voiture.

Un rapport récent du GWL Realty Advisors sur les facteurs de l’habitat urbain au XXIème siècle notait ainsi :

De plus en plus d’études montrent que les jeunes générations ont un rapport différent à l’automobile, qui n’est plus vue comme vecteur de liberté. Au lieu de cela, les technologies numériques portables – qu’il s’agisse de smartphones, d’ordinateur portable, ou MP3, etc -leur fournissent un moyen alternatif d’expression personnelle les rendant libres de faire ce que bon leur semblent… Il apparaît que les jeunes générations trouvent moins d’intérêt à la voiture, s’installer dans des villes bien desservies et adaptées aux piétons correspondant à leurs styles de vie naturels.

Le développement de l’auto-partage

Conséquences de ce nouveau rapport à la voiture, les formes de partages de la voiture se développent et se démocratisent. Le secteur de l’autopartage pourrait toucher 5,5 millions de personnes en Europe d’ici 2015, d’après des estimations. En France, le covoiturage sur les longs trajets fait de plus en plus d’adeptes, au point que les réseaux autoroutiers vont créer prochainement des aires de stationnement spécialement dédiées. Covoiturage.fr, le leader français du covoiturage compte désormais plus de 1 million d’utilisateurs, dont 600.000 nouveaux inscrits au cours des douze derniers mois. Un chiffre très loin du potentiel selon Frédéric Mazzella, fondateur de Covoiturage.fr, interrogé par Le Parisien :

Un million d’utilisateurs, c’est très peu par rapport à leur nombre potentiel. Je suis convaincu que nous pouvons passer en quelques années la barre des 5, voire des 10 millions de membres.

Un optimisme confirmé par plusieurs études, notamment une étude réalisée par TNS Sofres pour le groupe Chronos sur les transports du futur tels que perçus par les consommateurs : le covoiturage arrive en première place devant les transports publics, l’autopartage et le vélo, la voiture personnelle fermant la marche.

Autre enseignement de cet étude : pour 51% des Français, l’essentiel des déplacements en 2030 se fera dans des véhicules partagés.

La location de voitures entre particuliers est sans conteste le secteur le plus disruptif de cette nouvelle forme de mobilité partagée et pourrait rapidement devenir l’illustration la plus notable de ce mouvement. Aux États-Unis, le pionnier RelayRides a récemment reçu un investissement de plus de cinq millions de dollars de la part de Google tandis que GetAround, son concurrent principal remportait il y a quelques semaines un concours majeur des startups les plus prometteuses, le TechCrunch Disrupt. En France, six acteurs se sont déjà positionnés sur le marché de la location de voitures entre particuliers (soit le record mondial) :

  • Zilok (qui propose déjà 2500 voitures à la location : interview de leur CTO Marc Lebel ici)
  • Voiturelib (qui annonce un volume d’affaires de 250 000 € depuis son lancement, je vous renvoie à l’interview du fondateur Paulin Dementhon que j’avais réalisée)
  • Deways (“kickstarté” par Alexandre Grandremy et Gary Cohen, voici leur interview)
  • Livop (mené à vitesse grand V par Kieran Connolly, interview ici)
  • Cityzencar (dont l’approche est très prometteuse, l’interview d’un des co-fondateurs David Laval date un peu ; en attendant d’en réaliser une nouvelle, vous pouvez consulter cette excellente présentation qu’a réalisé Nicolas Le Douarec, l’un des autres co-fondateurs, sur l’émergence de la société collaborative)
  • et le dernier arrivé Buzzcar, avec à sa tête Robin Chase (fondatrice et ex-CEO de Zipcar, leader mondial de l’autopartage et citée parmi les 100 personnalités les plus influentes par le TIME en 2009). Elle expliquait récemment lors d’un évènement à La Cantine consacré à l’économie du partage (merci à Innov’in the City pour le compte-rendu) :

Dans les grandes villes, l’idée de l’auto-partage doit devenir une évidence pour tous [...] La surcapacité et la surpopulation de voitures dans les villes rendent impérative l’idée d’auto-partage entre particuliers. Même les petites entreprises avec des petites flottes de voiture peuvent mettre leurs véhicules à disposition.

Quel sera le futur de la mobilité et comment les constructeurs répondront à ce mouvement qui semble maintenant enclenché ? Nous en saurons plus bientôt.


Article initialement publié sur le blog Consommation Collaborative

Photos flickr PaternitéPartage selon les Conditions Initiales richardmasoner Paternité shinya et Paternitéprettywarstl

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La data enfourche son vélo sur les routes de l’Europe http://owni.fr/2011/05/17/la-data-enfourche-son-velo-sur-les-routes-de-leurope/ http://owni.fr/2011/05/17/la-data-enfourche-son-velo-sur-les-routes-de-leurope/#comments Tue, 17 May 2011 06:30:08 +0000 Camille Josse http://owni.fr/?p=62765 Congestion, pollution sonore et atmosphérique, stress au volant, l’utilisation systématique de la voiture particulière pour les déplacements quotidiens étouffe les grandes métropoles. A l’heure où la majorité de la population mondiale vit en ville, il est temps de lui trouver des alternatives. Des alternatives car une réponse unique ne suffit pas au problème complexe de la mobilité urbaine. Transports publics, autopartage, covoiturage, les solutions motorisées sont nombreuses, mais la révolution des transports au 21ème siècle pourrait aussi se faire à pédales.

Le vélo, mode de transport flexible et pratique, s’impose comme un complément des modes actuels et séduit de plus en plus les citadins et municipalités après des années de désaffection. Alors, quelle place aujourd’hui pour le vélo dans les grandes métropoles européennes?

Pour mesurer l’intérêt autour du vélo l’invention de la bicyclette, jetons d’abord un œil sur Google Ngram Viewer (ndlr: outil de Google permettant de visualiser sous forme de graphiques les fréquences d’apparition de mots dans les livres numérisés depuis 2003 sur Google Books).

Source : ngram viewer

La forte hausse d’intérêt de 1944 s’explique par la pénurie de pétrole et de pièces détachées automobile lors de la seconde guerre mondiale, à un moment où le vélo était déjà massivement utilisé pour les déplacements quotidiens. Si entre les années 1965-1970 l’intérêt autour du vélo est en stagnation ou en baisse en Europe, il semble être depuis en constante augmentation, plus visiblement en Allemagne et dans les pays hispanophones.

Le cycle urbain en 2011

Les pratiques actuelles en Europe sont ainsi loin d’être homogènes. Selon une étude conduite pour l’Union Européenne en 2009, la part modale du vélo dans les déplacements domicile-travail ou domicile-étude reste minoritaire dans les grandes villes européennes. (Source Urban Audit 2010)

L’échantillon de cette étude est réduit, 500 personnes par ville, mais celle ci permet d’illustrer la tendance actuelle avec des résultats récents et une méthodologie commune à l’échelle Européenne. Les résultats sont dans la lignée des précédentes études sur la mobilité réalisées en Europe. En France, la part modale du vélo pour les déplacements domicile-travail était de 2.3% et 3.8% à Paris intra muros selon les études nationales transport et déplacement de 1994 et 2008.

Le vélo est cependant le mode de transport qui progresse le plus dans les villes depuis les années 1990 :

• A Berlin sa pratique à augmenté de 18% entre 2001 et 2008 (Source : Senate Department of Urban Development – Berlin – Cycling, paths and bicycle use).

• 2 fois plus de cyclistes entrent dans le centre de Londres entre 7h et 10h du matin en 2006 (base 1991)

• Le flux de cyclistes sur les principales routes londoniennes augmente de 60%sur la même période.


(Source: Transport For London, London travel report 2007)

À Budapest la révolution est aussi en selle, grâce à une prise en compte des cyclistes par la municipalité dès 2005 suite à une importante mobilisation citoyenne. Ainsi, les associations y ont organisé régulièrement des Masses critiques avec un nombre de participants en constante hausse au fil des ans. En 2004, la Masse critique rassemblait 4000 cyclistes, 20 000 en 2006 , 50 000 l’année suivante et enfin 80 000 en 2008 selon les estimations.

Les politiques cyclables en Europe

Les autorités compétentes en matière de politique cyclables diffèrent au sein des états européens. Elles peuvent être intégrées aux plans de transport, santé ou environnement ( Norvège, Danemark ) ou en être indépendantes ( Allemagne, Finlande, Royaume Uni ). En ce qui concerne les autres pays européens, ils déterminent le plus souvent un cadre légal favorisant la pratique du vélo, comme c’est le cas en France avec la récente mise en place des zones 30 et des doubles sens cyclables.

Les capitales européennes disposent pour la plupart de leurs propres schémas directeurs pour le développement du vélo. Paris a son Plan Vélo qui prévoit notamment l’aménagement de nouvelles pistes cyclables en plus des 440km déjà existants, afin d’atteindre 700km d’ici 2014. Le Vélib lancé en 2007 a déjà changé les pratiques de mobilité des parisiens. Tout en offrant une nouvelle alternative de transport, le vélo en libre service envoie un signal fort aux cyclistes et automobilistes, en montrant que la pratique du vélo est acceptée et même encouragée en ville. Londres a lancé l’année dernière sa « Cycling Revolution », inaugurant ses deux premières routes cyclables et son système de vélo en libre service.

Pour mesurer le pouls de la pratique du vélo à un niveau global, Steven Gray a créé un baromètre en temps réel du pourcentage de vélos en libre service utilisé dans différentes villes, le Bike O Meter.

La culture du cycle 2.0

Si la suprématie de la voiture particulière se fait toujours sentir dans la majorité des métropoles européennes, il semble néanmoins que les usagers réguliers du vélo partent désormais à la reconquête de la rue. Ils se fédèrent eux aussi en réseaux internationaux et effectuent leur propre promotion, afin d’amener à la création d’une réelle culture du cycle urbain.

En témoigne le succès des blogs Copenhaguenize, London Cyclist, ou encore Copenhaguen Cycle Chic. Ce dernier a même fait des petits, puisque les chics cyclistes de tous les jours sont désormais pris en photos à Berlin, Vienne, Séville… Un renouveau culturel loin des questions d ‘écologie et de développement durable auxquelles on rattache souvent l’usage du vélo, mais bien plus proche des utilisateurs potentiels.

Si un véritable mode de vie du vélo est déjà ancré dans les mentalités des habitants de ville telles que Copenhague ou Amsterdam, il commence donc à se développer dans les autres villes européennes, avec la création de cafés vélo à Londres, déjà 3 en 2011, et d’ateliers vélos qui œuvrent pour le recyclage des vieux biclous une meilleure « vélonomie » des usagers.

Enfin, outre le fait que le vélo soit le moyen de transport urbain le plus rapide pour se rendre d’un point A à un point B, il véhicule aussi une certaine image de bien être. Bien être physique des utilisateurs, mais aussi mieux être dans la ville. L’amélioration de la qualité du cadre de vie, à travers la réduction des nuisances sonores dues au trafic automobile et une diminution du sentiment d’insécurité qui lui est lié, mais aussi amélioration de la qualité de l’air et donc de la santé publique. Dès lors, après des années de recherche de la vitesse à tout prix dans les transports, la renaissance du vélo sonne aussi comme un retour de l’humain dans la ville.

Photo FlickR CC : AttributionNoncommercialNo Derivative Works Mikael Colville-Andersen

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Le retour des dirigeables, un fantasme qui en dit long http://owni.fr/2011/04/04/le-retour-des-dirigeables-un-fantasme-qui-en-dit-long/ http://owni.fr/2011/04/04/le-retour-des-dirigeables-un-fantasme-qui-en-dit-long/#comments Mon, 04 Apr 2011 06:30:17 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=54771 Urban After All S01E11

Vous en avez peut-être entendu parler : du 12 au 20 mars, un dirigeable a survolé Paris pour en mesurer la radioactivité (peut-être le même que celui qui survolait les banlieues en 2005, qui sait ?). Un bon prétexte pour revenir, dans cette chronique, sur la possibilité de voir un jour les dirigeables retrouver leur lustre d’antan, et pourquoi pas remplacer les avions pollueurs et bruyants (et pas uniquement pour du fret [en], mais bel et bien pour du transport de voyageurs au long cours).

L’idée ne date pas d’hier. En 2004 déjà, l’expert Jacques Bouttes s’interrogeait sur le “renouveau des dirigeables”, rappelant au passage que le sujet fait “l’objet de discussions ayant le plus souvent un caractère plus affectif que rationnel” :

Le dirigeable est un engin qui fait rêver : le souvenir des Zeppelin et plus récemment la vue dans le ciel des dirigeables, porteurs de publicité, silencieux et majestueux, ont un impact médiatique considérable.

À l’instar du monorail dont nous parlait Nicolas il y a quelques semaines, le dirigeable jouit en effet d’une certaine aura “rétro” dans l’imaginaire collectif. Qu’est-ce que cela traduit quant à notre culture de la mobilité ?

Le charme discret d'un Graf Zeppelin de 1930.

Mythe ou réalité ?

Architectes et urbanistes sont les premiers à exploiter l’engin dans leurs visions prospectives. Le blog Transit-City répertorie d’ailleurs les exemples les plus emblématiques. Une “renaissance de vieilles utopies” (voire parfois du recyclage), allant des dystopies où le dirigeable sert de “témoin” [projet “London 2100” (2010), par Ángel Martínez García, qui imagine un Londres partiellement recouvert par la montée des eaux], à d’autres créations d’envergure où le dirigeable est au centre de la vision futuriste :

  • projet “Anemorphic Airship Docks” (2008) de l’étudiant Adam Holloway, encore pour Londres, et qui pose avec pertinence la question des infrastructures architecturales nécessaires à ce mode ;
  • projet “Airbia” proposé pour le concours ReBurbia [en]
  • d’autres exemples sur Transit-City…

Plus généralement, l’aura des dirigeables peut s’expliquer par sa forte présence dans la culture populaire. Les exemples sont nombreux, et pourraient couvrir une chronique entière (c’était d’ailleurs l’idée de départ, dans la lignée de mes activités sur pop-up urbain). Citons pèle-mêle (liste évidemment non exhaustive, n’hésitez pas à faire part de vos trouvailles en commentaires !) :

Mais c’est surtout Southland Tales (2006), film magistral de Richard Kelly, qui m’a inspiré cette chronique. Le film s’achève dans un scène d’anthologie, à bord d’un “Mega Zeppelin” survolant Los Angeles (attention, spoiler possible) :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Si ces projets sont pour la plupart des créations d’anticipation, dont la fonction première est donc de faire réfléchir (sur la raréfaction des énergies combustibles, notamment), il n’en est pas moins légitime de s’interroger sur les possibilités de voir les dirigeables revenir sur le devant de la scène aéronautique. En effet, ce “renouveau” médiatisé des dirigeables n’a pas franchement rencontré le succès escompté. Comment l’expliquer ?

Guerre et paix

Selon Jacques Bouttes, l’échec des récents projets de “gros” dirigeables dans les années 2000 (ou plutôt leur non-concrétisation, car il s’agit plus souvent d’effets d’annonce peu réalistes) s’explique avant tout par le manque d’envergure des moyens mis en œuvre :

De ce fait, l’avenir des grands dirigeables ne peut s’envisager que si des industriels majeurs de l’aéronautique s’intéressent à ces nouveaux produits. Il faut, pour cela, d’abord évaluer le marché solvable, connaître les opérateurs potentiels, et enfin mettre en place des équipes et des moyens technologiques adaptés, d’un niveau industriel comparable à celui de l’aéronautique moderne. Toutes ces conditions n’ayant pas été remplies, il ne faut pas s’étonner des échecs récemment constatés.

Jusque là, rien que de très logique. Mais quelques lignes plus loin, la conclusion de l’expert laisse songeur :

L’avenir des grands dirigeables pourrait s’éclairer si les applications militaires étaient suffisamment intéressantes pour que les investissements nécessaires soient mis en place.

Dans un texte relativement critique, l’écologiste George Monbiot confirme cette hypothèse, finalement plutôt logique quand on connait le passif “militaire” des grandes techniques de notre époque (dans l’aéronautique en particulier dans un texte assez sévère à l’égard des dirigeable)s. Plus étonnant, même la pop-culture semble venir appuyer l’idée. Ainsi, les dirigeables de Batman ont une fonction sécuritaire de surveillance urbaine, et le Mega Zeppelin de Southland Tales est utilisé par l’armée US comme arme pour la “Troisième Guerre mondiale” imaginée dans le film (et fortement inspirée par l’après 11 septembre).

L’imaginaire des dirigeables semble donc marqué par une certaine “violence”. Plutôt étonnant, puisque les dirigeables sont justement considérés comme des modes “doux” et “silencieux”. On retrouve ici un paradoxe proche de celui que j’observais autour de la “ville mobile”, et qu’il m’est assez difficile d’expliquer. Est-ce lié au passé militaire des dirigeables ? À leur caractère imposant et donc visuellement plus “marquant” ?  Ou bien faut-il chercher plus loin, dans la psychologie de nos imaginaires mobiles (la vitesse et le bruit des moteurs longtemps perçus comme des valeurs positives, auxquelles ne répond donc pas le dirigeable) ? La discussion est ouverte…

La croisière s’amuse… entre riches.

En effet, l’autre versant de l’imaginaire que l’on rattache traditionnellement aux dirigeables est celui d’un transport apaisé, silencieux et non polluant. Transit-City, s’interrogeant sur les “mutations de l’aérien”, faisait ainsi une pertinente analogie entre paquebots et dirigeables comme possible avenir du tourisme :

“Les gens en ont assez d’être stressés, et nombreux sont ceux qui aspirent à une certaine lenteur”, constate ainsi le journaliste et grand voyageur Claude Villers, qui fait même le pari que si une compagnie relançait les dirigeables, il y aurait une clientèle pour ce type de transport.

C’est là, à mon sens, ce que nous apprend de plus significatif ce retour des dirigeables sur le devant de la scène. En effet, l’engouement pour ce mode de transport traduit une perception nouvelle de la mobilité : après des années de domination de la valeur “vitesse”, la lenteur regagne du terrain dans l’inconscient collectif, et le dirigeable en est un excellent témoin. Éloge de la lenteur ? Sûrement, et l’idée de ce “temps-croisière” trouve d’ailleurs un écho dans les modes de transport plus classiques, tel que le train ou le métro et bien évidemment l’avion.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Comme l’explique Transports du futur :

Dans la course à la vitesse quotidienne, il est probable que le temps libre et donc finalement la lenteur soit, sous une certaine forme, un luxe.

De là à dire que les dirigeables seront réservés à certains, il n’y a qu’un pas… que l’on peut s’autoriser à franchir, au vu des différents projets “réalistes” qui s’annoncent (hôtels volants et croisières de luxe, images de réceptions guindées comme dans Southland Tales, etc.). Faut-il en conclure que l’avenir des mobilités ne peut s’envisager qu’en termes sécuritaires et/ou d’exclusion ? Triste fantasme, que l’on tentera de démêler en imaginant d’autres perspectives plus “subversives”. Pour paraphraser la conclusion de Nicolas à propos du monorail : “il est temps d’imaginer d’autres formes possibles ou d’aller puiser dans d’autres imaginaires des espoirs nouveaux…

Image CC Flickr AttributionNoncommercialNo Derivative Works postaletrice et AttributionNoncommercialShare Alike romainguy

Chaque lundi, Philippe Gargov (pop-up urbain) et Nicolas Nova (liftlab) vous embarquent dans le monde étrange des “urbanités” façonnant notre quotidien. Une chronique décalée et volontiers engagée, parce qu’on est humain avant tout, et urbain après tout ;-) Retrouvez-nous aussi sur Facebook et Twitter (Nicolas / Philippe) !

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Urban After All S01E05 – Repenser la ville pour les gros? http://owni.fr/2011/02/21/urban-after-all-s01e05-faut-il-repenser-la-ville-pour-les-gros/ http://owni.fr/2011/02/21/urban-after-all-s01e05-faut-il-repenser-la-ville-pour-les-gros/#comments Mon, 21 Feb 2011 07:30:52 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=47526 La ville a-t-elle pour mission de nous faire maigrir ? La question peut sembler saugrenue. Elle se pose pourtant avec une insistance croissante, malgré un tabou persistant. La surcharge pondérale est en effet devenue, en quelques décennies, l’une des problématiques majeures de santé publique dans les pays développés (= fortement urbanisés), mais pas uniquement. On comptait ainsi 1,5 milliards d’adultes en surpoids et 500 millions d’obèses en 2008. Les prévisions évoquent jusqu’à 2,3 milliards d’adultes en surpoids et 700 millions d’obèses à l’horizon 2015 (Source : OMS)

S’il serait un peu réducteur de rendre la ville seule coupable de cet empâtement globalisé, celle-ci porte indéniablement une lourde responsabilité dans la diminution de nos efforts. L’OMS met ainsi en cause “la tendance à faire moins d’exercice physique en raison de la nature de plus en plus sédentaire de nombreuses formes de travail, de l’évolution des modes de transport et de l’urbanisation”, en plus évidemment d’un enrichissement calorique de notre alimentation. On notera toutefois que la ville n’est pas forcément la forme la plus avachie, comparée aux modèles rural et surtout périurbain où la marche est inévitablement marginale (distances, manque d’aménagements de type trottoirs, etc.)

Source : Anonymous

Pour autant, appartient-il à la ville de nous “faire bouger” ? On admet aisément que les collectivités prennent en charge certaines dimensions de la santé publique, comme par exemple la lutte contre les pollutions. Mais est-ce aussi légitime de s’attaquer à l’effort physique, un domaine longtemps réservé à la sphère intime ? Dit autrement : où s’arrête la responsabilité d’une ville en matière de santé publique ?

La “saine mobilité” en question

Cet hiver a vu naître, dans nos centres urbains, une nouvelle espèce de panneau signalétique, indiquant le temps de marche nécessaire pour rejoindre quelques destinations relativement proches (de 10 à 30 minutes à pied).

Source : Nicolas Nova

Vous les avez certainement remarqués, sans forcément y prêter plus d’attention que ça. Ces panneaux sont pourtant révélateurs d’une tendance forte : la “saine mobilité”, comme l’appelle Scriptopolis :

“Les dispositifs de signalétique sont des objets fascinants [...]. Équipements essentiels de l’injonction à la mobilité qui caractérisent nos espaces urbains, ils participent d’une fonctionnalisation générale de la ville [...] En premier lieu, il s’agit bien entendu d’aménager dans un même mouvement les espaces et les flux d’entités qui s’y déplacent. [...]

Récemment, des efforts ont été faits pour inventer des signalétiques qui cherchent à inciter d’autres pratiques vertueuses de la part de la population. C’est souvent un enjeu écologique qui est alors avancé : des panneaux ont été mis en place pour favoriser l’usage des transports en commun, d’autres spécifiquement pour les cyclistes et leur mobilité dite « douce ». [...]

C’est aussi le cas de celle présentée ici. Mais son registre est pourtant bien différent. [...] Elle vise certes à équiper la marche en informant du temps de parcours [...], mais ça n’est pas pour améliorer notre bilan carbone ni avec lui l’air de Paris. C’est au nom de notre propre corps dont, on le sait, nous pouvons améliorer l’état par la pratique régulière d’une activité physique non violente, dont la marche est l’emblème. Voici donc une signalétique qui n’émane pas du ministère des Transports, ni de la mairie, mais du ministère de la Santé. « Bouger c’est facile », indique son sur-titre [...]”

On remarquera aussi, en bas du panneau, un lien du site www.mangerbouger.fr, émanation de l’INPES à l’initiative de cette opération ayant pour objectif “d’amener les citadins à intégrer la marche et le vélo dans leurs pratiques quotidiennes” en démontrant “au plus grand nombre que l’activité physique est à portée de tous” (reprenant le slogan “Bouger c’est facile”).

À première vue, rien de grave, me direz-vous. Au contraire, l’initiative donne une visibilité forte aux modes “doux” (marche et vélo, lui aussi inclus dans la campagne d’affiches accompagnant les panneaux). Qui s’en plaindrait ? J’ai justement eu débat à l’époque avec une ex-collègue, n’arrivant pas vraiment à expliquer ce qui me gênait dans cette campagne. Et c’est encore Scriptopolis qui a su mettre des mots sur cet étrange ressentiment :

S’ouvre avec ces panneaux sanitaires un nouvel horizon de mots d’ordre urbains. On attend avec impatience ceux qui nous permettront de trouver, au fil de nos parcours piétons, les magasins qui nous permettront d’acheter sans faire trop de détour, les cinq fruits et légumes essentiels eux aussi à notre bien-être quotidien.

On retrouve en effet, dans cette campagne, un nouvel avatar de “l’injonction au mouvement” qui caractérise nos sociétés urbaines (voire aussi ), justifié cette fois par un argument sanitaire difficilement contestable. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’en réfuter les vertus, mais plutôt, comme le fait Scriptopolis, d’en interroger le sens et surtout le sens “caché”, voire inconscient. Si ce type d’initiatives semble donc innocent, la logique qui les sous-tend pose davantage de questions dont il me semble nécessaire de débattre. Exemple outre-Atlantique.

“Fit city” : et la ville sue

New York, janvier 2010. Le nouveau “Monsieur Santé” de la municipalité, le docteur Thomas Farley [en], n’est pas en fonction depuis une heure qu’il a déjà ciblé son cheval de bataille : les escalators et les ascenseurs (cf. Next American City – The Architecture of Healthiness, [en]).

Source : Anonymous

Les New-Yorkais ont besoin de davantage d’escalier, explique ainsi le Don Quichotte local. On comprend ses motivations : la majorité des citadins et près de la moitié des enfants de la ville seraient en surpoids. En face, c’est le bon sens qui prévaut : “Deux minutes d’effort dans les escaliers permettent de brûler suffisamment de calories pour éliminer la livre (= 0,5 kg environ) que prend en moyenne chaque année un adulte.” Le docteur Thomas Farley a d’ailleurs le sens de la formule : “Si nous avons su mécaniser l’effort physique dans nos vies [avec les escalators et ascenseurs], alors nous pouvons la “dé-mécaniser” tout aussi facilement.” [traduction approximative ; la citation originale : “If we engineered physicality out of our lives, Farley added, “we can engineer it right back in just as easily.”]

Il ne s’agit pas de transformer la ville en salle de sport, mais presque. La municipalité a ainsi produit un cahier des charges de design urbain intégrant l’effort comme composante à part entière de l’urbanisme (intitulé “Active Design Guidelines”). L’objectif : faire suer, tout simplement, en renforçant notamment “l’attractivité des escaliers ou de la marche à pied” (les mobilités “ludiques” peuvent ici jouer un rôle).

“Les citadins feront de l’exercice partout où ils peuvent. Le rôle des designers urbains est de trouver comment leur offrir ces possibilités”, explique ainsi Rick Bell, délégué new-yorkais de l’Institut des Architectes Américains, qui a collaboré au cahier des charges. Logiquement, les escaliers sont au cœur de cette bataille pour la “ville en forme” (“Fit City”) qui se dessine dans ces lignes. Next American City cite ainsi quelques exemples pour en renforcer l’usage : limiter le nombre d’étages accessibles par escalator ou ascenseur au sein d’un bâtiment, ou simplement les ralentir pour en diminuer les “bénéfices” apparents.

Source : Anonymous.

Encore une fois, jusque là rien de bien méchant. Sauf que… Qui dit multiplication des escaliers dit aussi difficultés croissantes pour les personnes à mobilité réduite : handicapés bien évidemment, mais aussi femmes enceintes, parents avec enfants et poussettes, personnes âgées, voire même obèses, etc. Autrement dit, à force de vouloir s’investir dans nos vies, la ville ne risque-t-elle pas de créer de nouvelles ségrégations urbaines entre les urbains dynamiques et les autres ? J’avais déjà formulé la question dans un billet pour le Groupe Chronos : dans cette situation, “comment concilier la “livable city” [ville vivable pour tous] avec la “fit city” ?”

Selon Next American City, les handicapés ne seraient pas foncièrement contre une telle politique urbaine. À voir, car c’est ici un responsable de la municipalité qui est interrogé, et on l’imagine mal aller à l’encontre de sa hiérarchie. Les vrais détracteurs seraient plutôt les promoteurs immobiliers, pour qui l’équation “plus d’escaliers = moins d’espace disponible” passe moins facilement. Plus largement, les urbanistes pointent l’inadéquation entre cette politique et la densification nécessaire du bâti :

“Le risque est de finir par promouvoir sans le vouloir de plus faibles densités de bâti car les gens voudront utiliser les escaliers et non les ascenseurs. C’est bien beau de dire ‘nous allons voir comment vous pouvez utiliser les escaliers entre deux étages d’un immeuble de bureau’. Mais en pratique, vous ne réussirez jamais à aller au-delà de quelques étages sans l’aide d’un ascenseur.”
Un risque non négligeable, puisqu’il signifierait la continuation d’un étalement urbain dont les effets pervers sont bien connus. Ajoutons enfin qu’une telle vision “mobilisée” des escaliers nie leur fonction de lieu de pause, que j’évoquais ici.

Au-delà de ces quelques questions qu’il me semble légitime de mettre en débat (à vos commentaires), on peut aussi s’interroger sur cette nouvelle “injonction” du déplacement. Comme le dit un commentateur du billet d’American Next City :

Brillant ? ou effrayant ? Je suis d’accord pour dire qu’il faut encourager les personnes à prendre les escaliers. Mais utiliser la signalétique et le design urbain pour “forcer” les gens à le faire… il me semble que ça va trop loin.”

Avec le durable et maintenant la santé, la ville étend ainsi progressivement (et subtilement) sa sphère d’influence sur nos vies. Sans entrer dans une paranoïa digne de Philip K. Dick, il me semble pertinent de questionner cette évolution. Nicolas traitera d’ailleurs, dans un prochain billet, de la multiplication de ces “interactions moralisantes” et de l’environnement anxiogène qu’elles peuvent contribuer à créer.


[ Chaque lundi, Philippe Gargov (pop-up urbain) et Nicolas Nova (liftlab) vous embarquent dans le monde étrange des “urbanités” façonnant notre quotidien. Une chronique décalée et volontiers engagée, parce qu’on est humain avant tout, et urbain après tout ;-) Retrouvez-nous aussi sur Facebook et Twitter : Nicolas / Philippe !

Image de une CC Flickr colros

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Vertes promesses en panne sèche au Mondial de l’Automobile http://owni.fr/2010/11/06/vertes-promesses-en-panne-seche-au-mondial-de-lautomobile-voiture-electrique-ecologie/ http://owni.fr/2010/11/06/vertes-promesses-en-panne-seche-au-mondial-de-lautomobile-voiture-electrique-ecologie/#comments Sat, 06 Nov 2010 16:03:55 +0000 Ludovic Bu http://owni.fr/?p=34839 Le Mondial de l’Auto, c’est un peu comme une campagne électorale : beaucoup de promesses et de rares véritables surprises. Un peu comme les candidats aux élections nous promettent tous le changement (mais lequel ?), les constructeurs automobiles nous invitent tous à découvrir le monde de demain et le futur. Autre leitmotiv très partagé: nous « laisser surprendre ». Mais une fois les portes franchies, c’est la déconvenue. Il n’y a rien de neuf, ou quasiment. Presque que des voitures à quatre roues, avec quatre ou cinq places et un coffre. Ce que l’on voit dans les rues de nos villes depuis des décennies…

Qu’y a-t-il de surprenant, alors ? Si l’on en croit l’immense et incroyable couverture médiatique, il faut venir au mondial pour découvrir les voitures électriques, qui changeront le monde, créeront le futur et régleront les problèmes climatiques. Libération titrait par exemple « Le futur est de retour ». De leur côté, Les Echos, dans un spécial Mondial de l’automobile, s’enthousiasmaient « L’automobile passe au vert », sans aucun sens critique. Deux exemples parmi des centaines. Même les magazines féminins titraient tous sur ce qui n’est finalement qu’une immense foire commerciale…

De vieux modèles électrique sans charme et une star sans prise compatible !

Hypnotisé, nous filons donc droit vers les halls 2.1 et 2.2, qui abritent les nouvelles mobilités et autres véhicules électriques. Eh bien, autant le dire directement : au Mondial de l’Auto, les nouvelles mobilités et la voiture électrique, c’est du vent ! Les allées des halls sont désertes, les exposants confient s’ennuyer ferme. Il y a essentiellement des véhicules utilitaires, proposés par des petits constructeurs indépendants. La plupart sont sur le marché depuis longtemps… Des minis-voitures sont aussi proposées. Mais il n’y a personne pour les regarder. Il faut dire qu’elles sont rarement très jolies. Le design a son importance pour faire adopter de nouveaux objets !

Fleuron luxueux des voitures électriques, les roadsters de Tesla s'apprêtent à arriver en Europe... sans prise de chargement rapide !

En fait, d’un stand à l’autre, on retrouve surtout la Tesla, petit bolide sexy, qui sert à attirer le chaland, pour pouvoir lui expliquer les techniques de rechargement. Qui, soit dit en passant, ne sont pas encore normées, ce qui donnera une situation ubuesque en 2011 : au moment de la commercialisation de milliers de véhicules électriques, il n’existera pas de moyen de faire des recharges rapides, par manque de standard des prises !

Dans le pavillon des nouvelles mobilités, seuls les stands proposant des cadeaux connaissent un semblant d’affluence. Celui de TF1 est transformé en foire à tout par un animateur qui interpelle les passants comme les camelots du Printemps le font pour vendre des cravates. A celui de la Macif, on peut gagner des vélos (si !). Chez RTL, on fait en direct une émission sur le foot… Quel intérêt d’être là plutôt qu’ailleurs ? « Ça permet d’être au cœur de l’événement », nous confiera un journaliste souhaitant rester anonyme. Au cœur des matchs de foot ?!

Couleurs écologiques rayonnantes… mais bilan carbone catastrophique !

En fait, nous nous étions énervé pour rien. Les vraies voitures électriques, celles censées préfigurer le futur, sont rangées dans le hall 1, le plus grand, au milieu des Rolls, Ferrari et autres Mercedes. Chez les constructeurs grand public, DeZir, le concept car de Renault, lancé à coup de multiples interventions de son PDG Carlos Ghosn transformé en VRP de luxe, est le seul véritable intérêt des visiteurs. FantaSme eu été un nom plus approprié, vu que la voiture aux lignes épurées ne sera jamais commercialisée… « Ah mais, ajoute un fin connaisseur du dossier face à ma moue dubitative sur l’intérêt de la chose, le pare-choc sera repris sur un modèle en série ! » (sic)… Seul Twizzy, du même Renault, sort du lot : un petit véhicule rigolo, à deux places, alignées, qui est clairement destiné à la ville. Sortie annoncée en 2011. Souhaitons-lui de voir celle-ci moins repoussée que celle du modèle de Luménéo, son cousin, maintes fois remise à plus tard.

Luménéo, mini-voiture électrique, avait vu sa sortie reportée sine die. Un sort réservé à de nombreux « modèles novateurs » de l'automobile électrique.

L’environnement est au centre de tous les discours et des présentations. Tous les stands sont déguisés en repères d’écolos. Le bleu de l’air pur, le vert des arbres, le blanc dominent. Les panneaux « zéro CO2 » sont partout. Les slogans se font accrocheurs : « Drive@earth », « Changeons de vie, changeons l’automobile », « Toutes nos couleurs sont vertes ». Pourtant, sous ces beaux mots d’ordres, les modèles classés F ou G, les plus polluants, sont encore légion… et mis en avant sur les stands !

La vraie révolution est ailleurs : les gros se lancent sur le marché des mobilités alternatives. BNP occupe tout un coin du parc des expositions pour nous initier à l’éco-conduite. Arval propose un service d’autopartage pour optimiser les coûts des flottes d’entreprises. Signe que le temps des pionniers, qu’on prenait pour des fous, est terminé. Il y a 13 ans, lorsque nous avons lancé Voiture & co sur ces créneaux, tout le monde nous traitait d’utopistes, un terme qu’ont beaucoup entendu les créateurs de Caisse Commune (depuis rachetée par Transdev), Auto’trement (dont CTS et Parcus sont actionnaires) ou covoiturage.com !

Enfin, petit et véritable plaisir, non simulé, de notre part : une course de kart électrique offerte par EDF. L’entreprise, en pointe du lobbying pour le développement du moteur à watts, avait convié une dizaine de bloggeurs à venir tester, sur circuit, ces petits bolides. Grâce à son invitation, elle m’a convaincu qu’il est plus que temps de redonner leur véritable place aux véhicules surmotorisés vendus au mondial de l’auto. Celle d’un outil de plaisir et de frisson : sur un circuit, ou l’on pourra rouler à toute berzingue sans mettre quiconque en danger, se faire un peu peur en prenant des virages trop serrés, suer à grosse goutte en imaginant être des matadors de la route.

Pour le reste, nous attendons toujours que le Mondial de l’auto nous montre la vraie voiture du futur : un véhicule urbain, ne dépassant pas les 30 kilomètres heures, et uniquement équipé d’une place ou deux (ce qui correspond à la réalité de plus de 95% des usages actuels !) et équipé pour être mis en libre service un peu partout dans nos villes. Ce ne semble pas être pour demain…

Article publié originellement sur le site de Ludovic Bu sous le titre Le mondial de l’auto : beaucoup de promesses et de rares véritables surprises


Photo FlickR CC phalenebdlv ; Tristan Nitot ; BrisChri.

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