OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 26 ans de lois antiterroristes http://owni.fr/2012/10/07/infographie-la-tour-antiterroriste/ http://owni.fr/2012/10/07/infographie-la-tour-antiterroriste/#comments Sun, 07 Oct 2012 09:36:08 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=121824

L’antiterrorisme français est un édifice. Un édifice légal, auquel le nouveau gouvernement socialiste veut apporter une nouvelle pierre. Les lois antiterroristes en vigueur sont récentes à l’échelle du code pénal. Certes, il y eut les lois scélérates à la fin du XIXe siècle qui créaient un système d’exception. Mais la machine antiterroriste actuelle repose aujourd’hui sur des lois de 1986, 1992, 1996, 2001 ou 2006 pour ne citer que les principales (voir notre infographie interactive).

Le projet de loi

Présenté mercredi en Conseil des ministres, le projet de loi prévoit de faciliter les sanctions de Français commettant des actes terroristes à l’étranger. Cette infraction existe déjà, notamment par le truchement de l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Le texte n’apporte donc pas de grandes nouveautés sur ce point. D’autres dispositions sont également prévues : la conservation de données de connexion, l’accès aux fichiers de police administrative et le recours à des contrôles d’identité. Enfin, il prévoit de faciliter l’expulsion de personnes étrangères suspectées d’activités terroristes. Lire notre article : Terreur dans le miroir.

Le système mis en place se caractérise par sa “vocation préventive” selon les mots du juge d’instruction Marc Trévidic, dans son ouvrage Au coeur de l’antiterrorisme. La vocation préventive doit résoudre une équation a priori insoluble : comment empêcher les attentats, c’est-à-dire punir avant qu’une infraction soit commise ? Marc Trévidic est bien placé pour poser la question (et y répondre) : ce magistrat appartient au pôle antiterroriste du Tribunal de grande instance de Paris – la galerie Saint-Eloi – compétent sur l’ensemble du territoire.

Centralisation

Ce principe de centralisation est posé par la première grande loi antiterroriste contemporaine, celle du 9 septembre 1986. Les affaires terroristes échappent aux juridictions ordinaires. Les enquêtes sont confiées à des magistrats instructeurs ou des procureurs spécialisés, à Paris. Les cours d’assises, pour les crimes terroristes, sont composées exclusivement de magistrats, et non de jurés, en vertu d’une loi de décembre 1986.

Ces bases du système français ne permettent toujours pas de résoudre la fameuse équation de Marc Trévidic. La solution apparaît à partir de 1992. L’expression “association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste” fait son entrée dans le code pénal. Elle devient un délit passible de 10 ans de prison en 1996.

L’association de malfaiteurs concentre les critiques, incarnant l’extrême souplesse du régime antiterroriste français. Dans son ouvrage, Marc Trévidic écrit :

Cette infraction est un outil terriblement efficace mais également potentiellement dangereux pour les libertés individuelles. (…) On réprime alors non l’acte de terrorisme pas encore commis, mais la préparation même de cet acte de terrorisme.

Clé de voûte du système français, l’association de malfaiteurs est vigoureusement défendue par les praticiens de la lutte antiterroriste. Le juge Bruguière, longtemps à la tête de la Galerie Saint-Eloi et connu pour son utilisation extensive de cette infraction, oppose “l’approche judiciaire française [aux] exactions commises par les États-Unis à leur centre de détention de Guantanamo et avec celles commises par le Royaume-Uni, où les étrangers soupçonnés de terrorisme ont été détenus sans limite de temps et sans inculpation de 2001 à 2004, jusqu’à ce que la Haute Cour déclare ces mesures illégales.” Une comparaison, en forme de justification, courante chez les magistrats spécialisés.

Dès la moitié des années 1990, les deux piliers de l’antiterrorisme à la française sont posés. Ils sont sans cesse renforcés par les législations suivantes. En 2006, “la loi relative à la lutte contre le terrorisme” aggrave les peines encourues pour l’association de malfaiteurs, renforce la centralisation de la justice à Paris et prolonge la durée de la garde à vue, jusqu’à six jours en cas de “risque sérieux de l’imminence d’une action terroriste en France ou à l’étranger”.

Un attentat, une loi

Une planète antiterroriste

Une planète antiterroriste

OWNI a développé avec RFI une application qui recense les législations antiterroristes dans le monde. Justice d'exception, ...

1986, 1996, 2006. Les grandes lois antiterroristes interviennent après des attentats. Au milieu de la décennie 1980, plus d’une douzaine d’attentats sont commis à Paris, revendiqués par le Comité de solidarité avec les prisonniers politiques arabes et du Proche-Orient. En 1995, la France est frappée par une nouvelle série d’attentats. Le 25 juillet, dix personnes meurent et 117 sont blessées par l’explosion d’une bombe dans la station Saint-Michel, à Paris, un attentat perpétré par le Groupe islamique armé algérien selon les autorités.

Dix ans plus tard, la nouvelle législation intervient en réaction aux attentats de Londres, en juillet 2005. Le projet présenté mercredi en Conseil des ministres est une version diluée d’un texte préparé par le précédent gouvernement, quelques jours après l’affaire Merah.

En 1898, aux lendemains de l’adoption des lois scélérates, Francis de Pressensé, futur président de la Ligue des droits de l’homme, écrit :

La France a connu à plusieurs reprises, au cours de ce siècle, ces paniques, provoquées par certains attentats, savamment exploitées par la réaction et qui ont toujours fait payer à la liberté les frais d’une sécurité menteuse.


[Survolez l'infographie avec votre souris puis cliquez sur les ronds noirs et rouges pour en savoir plus sur chaque texte]


Infographie réalisée par Cédric Audinot /-)
Retrouvez le recensement par Owni des 42 lois sécuritaires adoptées entre 2002 et 2011, dont les lois antiterroristes ne sont qu’une partie.
L’ONG Human Rights Watch a publié en 2008 un rapport sur l’antiterrorisme en France : la justice court-circuitée
En 1999, la Ligue des droits de l’homme avait publié “France : la porte ouverte à l’arbitraire” sur le même sujet.

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Trévidic : “Le jihad n’a pas attendu Internet” http://owni.fr/2012/05/30/marc-trevidic-le-jihad-na-pas-attendu-internet/ http://owni.fr/2012/05/30/marc-trevidic-le-jihad-na-pas-attendu-internet/#comments Wed, 30 May 2012 19:43:42 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=111905 "Ce n’est pas parce qu’une personne joue à Call of Duty 4 ou 5 qu’elle va devenir folle et tuer des gens", nous affirme le juge Marc Trévidic. Owni s'est entretenu avec le magistrat du pôle antiterroriste sur les réalités du cyberjihad.]]>

Le juge Marc Trévidic à Paris en novembre 2010. Portrait par © Marc Chaumeil / Fedephoto

22 mars. Mohamed Merah abattu par les hommes du Raid, Nicolas Sarkozy fait une déclaration depuis l’Elysée : la consultation de “sites internet qui font l’apologie du terrorisme” sera dorénavant sanctionnée. Un projet de loi a depuis été déposé au Sénat. Le cyberjihadisme fait une entrée fracassante dans l’agenda politique et médiatique.

Owni a voulu recueillir l’analyse d’un magistrat familier de ces affaires. Marc Trévidic est juge d’instruction au pôle antiterroriste du Tribunal de grande instance de Paris, seule juridiction compétente en matière terroriste. Il s’est spécialisé sur les dossiers jihadistes en plus de quelques autres gros dossiers (Karachi, Rwanda, moines de Tibéhirine). Il revient ici sur l’utilisation d’Internet par les jihadistes, le cyberjihadisme ou “jihad médiatique”, nouvel avatar de la menace terroriste selon les acteurs politiques.

Comment a émergé le cyberjihad ? Est-ce, comme certains l’analysent, lié à la perte du territoire afghan en 2001 qui a entraîné un repli des jihadistes sur une autre base arrière ?
La loi contre les web terroristes

La loi contre les web terroristes

Le projet de loi sanctionnant la simple lecture de sites Internet appelant au terrorisme devrait être présenté demain en ...

Le conflit irakien a surtout servi de déclencheur, plus que la perte de l’Afghanistan en 2001. Les jihadistes ont très vite perçu le profit qu’ils pouvaient tirer du réseau. D’abord, l’intervention anglo-américaine était illégitime du point de vue du droit international public. Ensuite, ils ont pu utiliser les exactions commises par l’armée américaine, comme à Abou Ghraïb par exemple. Des brigades, armées de caméra, cherchaient à obtenir ce genre d’images pour les diffuser ensuite sur Internet. Le début du cyberjihad commence donc plus avec l’Irak qu’après la chute du régime Taliban. En Irak, le djihad était mené à 100%, dans les villes et sur Internet.

Quel est le rôle du cyberjihad ?

Le principal objectif est la diffusion de la propagande, puis le recrutement. Lors du conflit irakien, les jihadistes menaient un double conflit majeur, à la fois contre les soldats de la coalition anglo-américaine et contre les chiites. Ils avaient donc besoin de beaucoup de troupes et de chairs fraiches.

Dominique Thomas, chercheur spécialisé sur les mouvements islamistes radicaux, parle de la volonté de créer des sphères de sympathisants, plutôt que de recrutement.

L’idée est de sensibiliser une population radicale. Au sein de cette population peut émerger un candidat au jihad. C’est une guerre de l’information, les cyberjihadistes parlent souvent de “réinformation”. Le volet recrutement existe aussi, pour envoyer des gens sur le terrain faire le jihad.

“Les loups solitaires”, entièrement isolés, formés sur Internet, existent-ils ?

Dans toutes les affaires que je connais, les protagonistes sont toujours en contact avec d’autres. Ils rencontrent d’autres jihadistes, se connaissent entre personnes de la même mouvance. Je n’ai pas connaissance de cas de terroriste islamiste entièrement isolé. C’est un petit milieu ! Tout le monde se connait.

Cyberjiadhistes et jihadistes sont-ils les mêmes personnes ? Ont-ils des profils différents ?

Tous sont cyberjihadistes. Le passage à l’acte, les départs sur zones sont extrêmement minoritaires. La radicalisation est progressive : la radicalité des jihadistes varie selon leur situation. Ils ne tiennent pas les mêmes discours avant le départ, pendant leur séjour sur zones et à leur retour. Le jihad n’a pas attendu Internet. Dans les années 1990, les filières d’acheminement de combattants en Afghanistan se développaient sans utiliser Internet.

Le milieu des années 2000 semble être l’apogée des sites liés au jihad. Certains étaient très connus, comme Minbar ou Ribaat, et des figures proéminentes s’en occupaient, notamment Malika El Aroud et son mari Moez Garsallaoui.
Le bug du cyberjihad

Le bug du cyberjihad

Nicolas Sarkozy est parti en croisade contre les sites Internet terroristes. Mais une instruction ouverte dès 2010 ciblait ...

Le nombre de sites a explosé après la guerre en Irak. L’utilisation d’Internet s’est codifiée. Le Global Islamic Media Front est chargé de contrôler et d’authentifier le contenu diffusé sur les sites avec le label d’Al-Qaida. Mais la vivacité des sites dépend du contenu qui arrive du terrain. La concurrence entre les sites crée de l’émulation. C’est la loi de la concurrence ! De cette émulation naît de la radicalité. Les sites apparaissent, se multiplient avec le conflit irakien et deviennent de plus en plus radicaux dans la propagande qu’ils diffusent.

Internet apparaît dans presque toutes les affaires, comme moyen de communication entre les jihadistes. Jusqu’à maintenant, un caractère opérationnel était toujours observé dans ces échanges. L’aide matérielle est présente dans toutes les affaires.

Le projet de loi présenté par l’ex gouvernement [Fillon], changerait ce principe en pénalisant la consultation de sites terroristes.

Il faudra définir la liste des sites terroristes, ceux qui posent certains problèmes. La définition repose sur le trouble grave à l’ordre public à même de semer la terreur [Définition des actes terroristes dans le code pénal français, NDLR]. Il faudrait plus généralement poser la question de l’influence des images violentes diffusées à la télévision ou sur Internet. Ce n’est pas parce qu’une personne joue à Call of Duty 4 ou 5 qu’elle va devenir folle et tuer des gens ! Le passage à l’acte à cause de jeux vidéo violents est marginal, si marginal qu’aucun enseignement ne peut être tiré à cette marge.

Le cyberjihadisme, dans son volet de propagande, doit-il sortir du champ de l’antiterrorisme ?

Comme je l’ai signalé à l’occasion de mon audition au Sénat, l’utilisation de la qualification terroriste, et des moyens afférents, a explosé, souvent à mauvais escient. Il y a deux problèmes différents : sensibiliser la population au risque de la violence diffusée notamment sur Internet d’une part, et lutter contre les actes terroristes d’autre part.

Capture d'écran de Call of Duty Modern Warfare 3


L’entretien avec Marc Trévidic a été réalisé le 2 mai 2012.
Portrait de Marc Trévidic par © Marc Chaumeil / Fedephoto / Capture d’écran de Call of Duty CC by-nc-sa psygeist

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Le bug du cyberjihad http://owni.fr/2012/03/28/cyberjihad-un-peu-perdu/ http://owni.fr/2012/03/28/cyberjihad-un-peu-perdu/#comments Wed, 28 Mar 2012 10:30:43 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=103831 "jihad médiatique" à ce jour. Deux ans après, l'affaire piétine, comme le montrent les éléments inédits recueillis par OWNI.]]>

Réprimer la consultation “de manière habituelle des sites Internet qui font l’apologie du terrorisme, ou véhiculant des appels à la haine ou à la violence”. Depuis une semaine, le président-candidat Nicolas Sarkozy multiplie les interventions contre le rôle supposé des sites internet jihadistes. La première charge date du jeudi 22 mars. Mohamed Merah venait d’être tué par les forces du Raid.

Les sites Internet jihadistes ont déjà attiré l’attention des services antiterroristes français. Au printemps 2010, une vague d’arrestations ciblait les membres d’un forum, Ansar Al Haqq (les partisans de la vérité).

Deux ans plus tard, l’instruction est toujours en cours, faute d’éléments déterminants dans une affaire qui a “explosé en plein vol” selon des proches du dossier. Une affaire dans laquelle les protagonistes apparaissent dans d’autres procédures, mais la seule à reposer uniquement sur du virtuel, sur des activités en ligne, ajoutent ces mêmes sources.

Six suspects mis en examen

27 avril 2010. Cinq personnes sont arrêtées par la Sous-direction antiterroriste (SDAT) et placées en garde à vue en région parisienne, à Marseille et à Vannes. Un autre mis en cause, Marie est entendue trois jours plus tard. Quelques mois plus tôt, elle avait été interpellée et mise en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.

Le nom de Farouk Ben Abbes apparaît alors. De nationalité belge, il avait été interpellé en mai 2009 en Égypte, pour son implication supposée dans l’attentat du Caire qui avait tué une jeune française et blessé 24 personnes.

L’opération menée contre Ansar Al Haqq est le prolongement d’une affaire plus ancienne : l’acheminement de combattants en Afghanistan. Dite “des filières afghanes”, elle était instruite par le juge antiterroriste Marc Trévidic, familier des questions jihadistes. Pour Ansar Al Haqq, une disjonction est opérée : “le jihad médiatique” revient à Nathalie Poux, un autre juge de la Galerie Saint-Eloi, la section spécialisée dans les affaires terroristes du tribunal de grande instance de Paris.

Surveillé dès juin 2008

En avril 2010, une opération d’envergure est menée contre les modérateurs et administrateurs du forum Ansar Al Haqq. L’affaire débute deux ans plus tôt, en juin 2008. La SDAT surveille alors un salon de discussion sur la plateforme de messagerie instantanée Paltalk. Sur ce salon figure l’adresse d’un site décrit comme affichant “clairement son soutien aux moudjahidin appelant la communauté musulmane à soutenir le combat contre les mécréants” : Ansar Al Haqq.

Le site est accusé de propager l’idéologie jihadiste sur Internet, suivant la logique du jihad médiatique développée par Ayman Al Zawahiri, l’ancien numéro deux d’Al-Qaida devenu le chef après la mort d’Oussama Ben Laden. Les services notent que plusieurs utilisateurs du forum utilisent en signature une phrase qui résume selon eux cette théorie :

Le djihad médiatique, c’est la moitié du combat.

Parmi ces utilisateurs, Ali et Farouk Ben Abbes, l’un des premiers administrateurs du forum. Farouk Ben Abbes est considéré comme particulièrement actif sur le forum à partir de juin 2007, diffusant des communiqués revendiquant des attentats commis par des groupes et organisations proches d’Al-Qaida. Ali occupe lui aussi le rôle de modérateur puis d’administrateur du forum, mais ni l’un ni l’autre n’apparaît parmi les fondateurs.

Le forum Ansar Al Haqq est décrit comme le prolongement d’un blog, Al Firdaws, fondé par Nicolas et Marie, le premier alors âgé de 20 ans et la seconde de seulement 16 ans à en croire la SDAT. Fermé pour incitation à la haine raciale, Al Firdaws devient Ansar Al Haqq à partir de décembre 2006. Le forum est hébergé en Malaisie.

Autour des fondateurs est structurée une petite équipe dirigeante. Erwan et Julien jouent le rôle de modérateurs. Erwan n’est pas inconnu des services, son nom est apparu dans d’autres dossiers. En 2010, lors de son arrestation, il a 37 ans. Le second, Julien est plus jeune. Il a 24 ans mais son nom apparaît aussi dans des affaires antérieures, notamment en lien avec l’Irak.

Le dernier est Arnaud, 27 ans, lui aussi connu des services antiterroristes qui l’ont déjà interpellé. Sur Ansar Al Haqq, il est accusé de diffuser la propagande d’Al-Qaida et de veiller à ce que les contributions respectent les théories professées.

Seule affaire de “jihad médiatique”

L’affaire repose sur l’utilisation de sites Internet à des fins de diffusion de propagande. En décembre dernier, le chercheur à l’école des hautes études en sciences sociales, Dominique Thomas, nous décrivait un site s’adressant à un public francophone assez cultivé  :

Ansar Al Haqq veut faire connaître le message, diffuser les informations et créer une sphère de sympathisants. Des textes complexes, avec des références à l’islam médiéval, sont traduits par des utilisateurs.

La question du caractère opérationnel des échanges, sur lequel insiste la SDAT, n’a pas encore été appréciée par des juges, l’affaire étant toujours à l’instruction. L’un des mis en cause, Arnaud a bénéficié d’une procédure de nullité déposée devant la chambre de l’instruction. Le Parquet ne s’est pas pourvu en appel, il a été libéré fin 2010.

Ali n’a pas été placé en détention provisoire, mais sous contrôle judiciaire après sa mise en examen. Nicolas a lui aussi été libéré très rapidement, de même que Farouk Ben Abbes, pendant l’été 2011.

L’un des défenseurs dénonce l’utilisation du délit d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste pour réprimer des opinions, ce qui relèverait du droit de la presse et des lois de 1881. En somme, une confusion entre la section A4 du tribunal de grande instance de Paris, chargée de la presse, et la section C1, dédiée aux affaires de terrorisme, ajoute l’un d’eux.

Avertissement

Sur le forum Ansar Al Haqq, un avertissement a été mis en ligne le 8 octobre 2010, quelques mois après les arrestations. Sous le titre évocateur “Préservez-vous mes frères et soeurs ! Préservez-vous !”, le message évoque l’affaire :

Vous avez surement du remarquer et lire dans les news que ces temps-ci il y a eu plusieurs arrestations de frères et soeurs. Une de ces arrestations concernait les modés et anciens modés ainsi que les admins du site Ansar al Haqq. Et oui plusieurs admins et modés ont été arrêté il y a de ça plusieurs mois pour être interrogé sur une enquête qui s’intitule: “Opération Ansar al Haqq.” Oui en effet un juge a été chargé d’enquêter sur notre site Ansar al Haqq pour ce qu’ils appellent “propagande jihadiste sur internet.”

Des recommandations sont ensuite prodigués aux lecteurs et intervenants du forum :

Cette enquête a commencé depuis plus de deux ans ! En d’autres termes cela veut dire que des agents de la DCRI [la Direction centrale du renseignement intérieur, NDLR] viennent régulièrement sur le forum pour nous surveiller et lire ce qu’on post depuis déjà plus de deux années !!

Faites attention à ce que vous écrivez et ne donnez pas une occasion aux agents de la DCRI de venir vous arrêter chez vous un beau matin.

Le 4 mars dernier, un utilisateur a ajouté des précisions, tirées du livre l’Espion du Président consacré à la DCRI, sur les méthodes de surveillance utilisées par le service de contre-espionnage français.


Illustration et couverture par Loguy pour Owni /-)

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Trévidic contre Bruguière, le script de la bagarre http://owni.fr/2011/06/07/trevidic-contre-bruguiere-le-script-de-la-bagarre/ http://owni.fr/2011/06/07/trevidic-contre-bruguiere-le-script-de-la-bagarre/#comments Tue, 07 Jun 2011 15:51:43 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=66716 Le 16 mai dernier, l’ex juge Jean-Louis Bruguière était entendu comme témoin par le juge Marc Trévidic dans le cadre de l’instruction judiciaire sur l’attentat de Karachi. Un juge qui en auditionne un autre au pôle antiterroriste, un évènement à peine croyable. Le verbatim complet de l’audition que nous publions aujourd’hui permet de mesurer l’importance de ce rendez-vous judiciaire hors normes.

Jusqu’en 2007, le juge Jean-Louis Bruguière pilotait l’enquête sur l’attentat de Karachi du 8 mai 2002, en même temps qu’il présidait ce pôle spécialisé du tribunal. Or, son successeur Marc Trévidic a dernièrement découvert quelques curiosités quant aux actes naguère réalisés – ou oubliés – par son glorieux confrère dans ce dossier.

L’essentiel de cette audition porte sur un rapport d’autopsie capital. Celui du médecin légiste Dominique Lecomte, effectué peu après l’attentat, et qui contredit la thèse de l’attentat suicide. Un rapport passé aux oubliettes sous Bruguière et récemment découvert par Trévidic. Leurs explications à ce sujet, auxquelles participent Olivier Morice l’un des avocats des parties civiles, donnent le vertige. On y apprend que si la justice a été soigneusement tenue dans l’ignorance de ce document, en revanche les services de la DCRI (ex DST) en avaient vu passer une copie, qu’ils se sont bien gardés de transmettre au juge. Alors même que la DCRI travailla – a priori – pour le magistrat dans ce dossier.

Sur place, à Karachi, des sources proches de l’enquête n’ont jamais caché leurs doutes au sujet de la présence d’un kamikaze le 8 mai 2002. Dans les faits, le rapport du professeur Lecomte examine le corps d’un jeune homme présenté comme celui du kamikaze, qui, aurait précipité la voiture piégée contre le bus transportant les Français. Problème, le professeur Lecomte affirme dans ses conclusions que cet homme-là se trouvait en position debout.

Dans les prochaines semaines, d’autres auditions devraient permettre de connaître, dans le détail, la succession de négligences ou de malveillances à l’origine de la disparition de ce rapport, neuf années durant.


Crédits Photo FlickR CC by-nc-sa Frabuleuse
Image de Une CC Elsa Secco

Retrouvez notre dossier du jour sur Karachi :

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