OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le « journalisme augmenté » en 10 points http://owni.fr/2010/11/07/le-%c2%ab-journalisme-augmente-%c2%bb-en-10-points/ http://owni.fr/2010/11/07/le-%c2%ab-journalisme-augmente-%c2%bb-en-10-points/#comments Sun, 07 Nov 2010 19:34:40 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=33769 1 – Le journalisme augmenté de l’audience

Les insurgés ont pris la parole ! La prise de contrôle des moyens de production et de distribution des médias traditionnels par ceux qui en étaient privés (seule révolution marxiste réussie à ce jour !) entraîne la démocratisation de l’écriture et met fin au journalisme de surplomb, au journalisme de magistère. Elle permet aussi le « crowdsourcing » (collecte d’informations et témoignage sont partagés avec le public) et le « crowdfunding » (le financement aussi). Les médias parlent aux médias !

2 – Le journalisme augmenté de ses pairs

Lâcher prise sur ses contenus et laisser les contenus extérieurs entrer. Les rédactions, souvent conservatrices, ont de moins en moins une mentalité de bunker et s’ouvrent davantage au reste du monde, voire à leurs concurrents. Les collaborations entre médias se multiplient. Le journalisme en réseau et le journalisme mutualisé ont un bel avenir.

3 – Le journalisme augmenté des liens

Les métadonnées et l’hypertexte permettent le journalisme de liens, le journalisme de tri sélectif, le journalisme dépollueur, le news jockey ! Celui qui choisit, guide, réduit l’infobésité, trouve le signal dans le bruit.

4 – Le journalisme augmenté des autres corps de métiers

Visualisation de données, journalisme de données, journalisme visuel, web documentaires, web reportage, etc. Autant de nouvelles formes de narration qui associent le travail des designers, des développeurs et des journalistes. Ceux qui réussiront à faire travailler ensemble ces corps de métiers prendront de l’avance.

5 – Le journalisme augmenté d’innovation et de nouvelles technologies

Le journalisme web n’est pas la mise en ligne des contenus des journaux ou des télévisions. Une écriture différente est indispensable pour être en prise avec les nouveaux usages de la révolution de l’information. La chance est aussi d’y pouvoir profiter des nouveaux outils. Pour ce mode de représentation du réel, le digital storytelling de demain, le récit numérique, comprend déjà la géolocalisation, la cartographie animée, la réalité augmentée, la 3D, etc.

6 – Le journalisme augmenté de valeur ajoutée

Context is King ! Savoir relier les faits : face à la banalisation croissante de l’information, la valeur est dans la mise en perspective rapide des faits. Non seulement, collecter, éditer, hiérarchiser et distribuer ne suffit plus, mais il faut désormais aussi analyser les informations avec un degré de vitesse, jusqu’ici réservé aux seuls factuels. Les journalistes traditionnels font une erreur s’ils croient que leur capacité à collecter et à organiser les faits continuera à les rendre indispensables.

Pour rester pertinent, il ne suffit plus en outre de donner les informations de la veille ou du jour même, connus de tous, mais d’offrir du contexte, de la perspective, de l’analyse pour aider le public à saisir l’importance des événements, pour lui et la société, à regarder de l’avant, à anticiper la suite.

Il faut enrichir l’information, de manière éditoriale et technologique.

7 – Le journalisme augmenté du packaging

Les beaux médias ! La forme, c’est le fond qui remonte à la surface ! (Victor Hugo). C’est aussi la qualité de l’accès au contenu qui fera la différence.

Dans une économie de l’attention, où l’abondance des contenus a remplacé leur rareté, le temps de cerveau disponible sera de plus en plus dur à capter et à conserver ! Soigner le design de l’information devient crucial. D’autant que se multiplient aussi les nouveaux supports et plateformes de distribution (smartphones, tablettes, encre électronique …).

8 – Le journalisme augmenté de formations, de nouveaux métiers et d’entrepreneuriat

Pas facile d’apprendre à faire du vélo à 50 ans ! Mais il faut s’y mettre et se former. La révolution de l’information n’attend pas. D’autant que de nouveaux profils sont apparus ces dernières années dans les petites annonces : les journaux, magazines ou télévisions recherchent aussi désormais des éditeurs de métadonnées, des éditeurs spécialisés en moteur de recherche, des community managers, des journalistes visuels, des agrégateurs, des remixeurs, des facilitateurs, etc.

La facilité de créer une unité éditorial pour un coût initial presque nul (plus besoin d’imprimerie, de camions pour livrer les journaux ou de stations de TV) incite déjà ceux qui ont de bonnes idées à passer à l’acte et à monter leur média, seul ou en petit groupe.

9 – Le journalisme augmenté d’expérimentations

Difficile de faire désormais sans une cellule de R&D, un médialab, pour répondre à la vitesse des changements dans la profession et profiter des opportunités offertes par les nouvelles technologies. Restera à tester les nouvelles idées et à prendre des risques sans être tétanisé par la crainte de l’échec. Vive le bêta !

10 – Le journalisme augmenté de la confiance

C’est la mission la plus difficile, mais la plus importante dans une société où la défiance envers les corps constitués croît à toute vitesse.

Images CC Elsa Secco et Flickr Matthew Clark Photography & Design

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Le crowdfunding produit un “effet Obama” dans le journalisme http://owni.fr/2010/08/11/le-crowdfunding-produit-un-effet-obama-dans-le-journalisme/ http://owni.fr/2010/08/11/le-crowdfunding-produit-un-effet-obama-dans-le-journalisme/#comments Wed, 11 Aug 2010 16:35:42 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=23843

Tanja Aitamurto est une journaliste spécialisée dans l’intelligence collective -sa thèse porte sur ce sujet- le crowdfunding et le crowdsourcing dans le journalisme. D’origine finlandaise, elle est maintenant basée dans la Silicon Valley et contribue principalement au Huffington Post et au Helsingin Sanomat, le principal quotidien en Finlande. Pour OWNI, elle revient sur le développement du crowdfunding, qui concerne le journalisme mais aussi les industries créatives en général.

Le monde du journalisme semble découvrir le crowdfunding, mais est-ce vraiment si neuf ?

Le crowdfunding est un mécanisme de financement qui existe depuis un certain temps. Le premier effort bien connu dans ce sens a eu lieu en 2003, quand le reporter américain Chris Albritton a réuni assez de dons de lecteurs pour faire un reportage en Irak dans le cadre de son initiative “Retour en Irak“.

Cependant, le crowdfunding est devenu de plus en plus populaire dans le journalisme, pour beaucoup grâce à des plates-formes de crowdfunding à succès comme KickStarter et Spot.Us. Par exemple, rien que sur Spot.Us, plus de soixante sujets ont été financés et plus de 100.000 dollars ont été donnés à des pitches.

Ces derniers temps, il y a aussi eu des expériences de crowdfunding rétrospectif. Par exemple, Paige Williams, une journaliste américaine récompensée pour son travail, a financé son article sur Dolly Freed en réunissant des dons après la publication sur son site.

D’autres formes de mécanisme de crowdfunding comme Flattr et Kachingle gagnent du terrain. On appelle maintenant ces modèles des “paiements sociaux” (social payment, ndlr).

Une des raisons de l’évolution du crowdfunding, c’est le développement rapide des outils du web 2.0, et la pénétration de l’Internet. Ces outils facilitent l’utilisation du crowdfunding dans le cadre du journalisme. En outre, ces modèles traditionnels de revenus deviennent de plus en plus inefficaces, et il faut trouver des alternatives. C’est là où le crowdfunding devient utile.

Diriez-vous que l’émergence actuelle du crowdfunding est un effet positif de la crise des médias ?

Oui, c’est un mouvement positif par deux aspects : d’abord, le crowdfunding a prouvé qu’il fonctionnait comme modèle de financement pour une certaine forme de journalisme, comme le reportage d’investigation et les sujets civiques.

Les nouvelles sources de revenu comme le crowdfunding pour les journalistes sont nécessaires alors que le journalisme entre dans l’ère post-conglomérat. Cela signifie que les grandes entreprises de médias emploient moins de journalistes, mais les journalistes travaillent plus souvent comme freelance ou journaliste-entrepreneur. Par conséquent, ces derniers ont besoin de nouvelles façons d’obtenir des fonds pour leur travail.

Second point, il est très important d’expérimenter de nouveaux business models. C’est la seule façon de trouver ce qui marche vraiment, étant donné que les anciens modèles ne marchent plus si bien.

Est-ce que cette réflexion est spécifique aux pays occidentaux ? Pour quelles raisons ? La crise des médias ?

Les plates-formes et les mécanismes de crowfunding semblent se développer dans les pays occidentaux, probablement en raison du développement parallèle d’autres phénomènes d’interaction à doubles sens, comme le crowdsourcing, le mouvement de l’open data, etc., qui donnent plus de pouvoir aux gens.
Un autre facteur, c’est que les entreprises de média cherchent de nouvelles sources de revenus comme elles ne vont pas si bien financièrement et nous voyons beaucoup d’expériences dans ce sens pour en trouver.
Le troisième élément, c’est que le capital-risque est plus développé dans les pays occidentaux et peut financer des start-ups dans ce domaine, ainsi que d’autres mécanismes de financement comme le Knight News Challenge concours et autres prix.
Cependant, il y a aussi eu d’autres actions dans ce domaine en dehors des pays occidentaux. Par exemple le site de journalisme citoyen OhMyNews, qui vient de fermer sa version internationale, a essayé de collecter des dons de lecteurs sous la forme de licences de membre.

Pensez-vous que le crowdfunding va devenir de plus en plus important dans le financement des reportages ? Du travail créatif en général ?

Oui, absolument, le crowfunding a démontré son efficacité comme mécanisme de financement pour certains types de journalisme. Avec l’aide de plates-formes de crowdfunding comme Spot.Us, Kickstarter et SellaBand, cette méthode devient de plus en plus commune comme source de financement de projets journalistiques et artistiques. Ces plates-formes fournissent une grande opportunité de soutenir des projets particuliers que les gens apprécient au lieu de payer pour l’abonnement complet à un journal qu’ils ne lisent la plupart du temps que partiellement.

De plus, ces plates-formes offrent habituellement la transparence qui manque dans les organisations traditionnelles, comme les entreprises de médias et les rédactions. La transparence accrue offerte par les plates-formes de crowdfunding est importante pour les donateurs, ils peuvent suivre l’utilisation de leur argent.

Maintenant la question, c’est l’ajustement de ces mécanismes. Le grand changement dans les business models du journalisme, c’est qu’il n’y aura plus une ou deux sources de revenus comme c’était le cas jusqu’à présent (publicité et abonnements). Les revenus vont venir de sources multiples et différentes en fonction de la publication et de sa niche. Les dons peuvent en faire partie, selon le cas.

Qu’est-ce qui fait qu’un système de crowdfunding aura du succès ?

Actuellement, il existe deux façons d’approcher le paiement volontaire : soit la somme est fixée, ou le lecteur peut donner autant qu’il le désire. Par exemple dans le domaine du paiement social, Kachingle laisse les gens payer seulement 5 dollars par mois pour tous les sites qu’ils visitent, alors que sur Flattr vous pouvez déterminer la somme vous-mêmes.
L’argument de Kachingle c’est que quand la somme est fixée, le coût de la transaction mentale sera plus petite pour le donateur – ce qui signifie que c’est facile de donner quand vous n’avez pas besoin de réfléchir au montant du don.
Flattr donne aux utilisateurs plus de liberté, de même Spot.Us, le système indique au donateur une suggestion de don, mais ce dernier peut changer la somme. Ces deux approches ont leurs avantages et leurs inconvénients mais les différences sont minimes. Du point de vue des donateurs, c’est important d’avoir une expérience utilisateur intégrée avec le système de micropaiement. De plus, c’est important de donner aux donateurs des outils pour construire leur identité par leur don. Personnellement, je pense que le mieux c’est de fournir au donateur une suggestion du montant, mais aussi la liberté de le changer.
Je ne vois pas forcément une plate-forme l’emporter sur les autres, elles peuvent co-exister, s’il y a assez d’utilisateurs. Des systèmes de paiements sociaux, celui qui aura le plus de succès sera celui qui sera utilisé par le plus grand nombre de blogueurs importants, et des publications établies.

Vous soulignez que les systèmes de crowdfunding reposent sur l’intelligence collective, êtes-vous optimiste ?

Le cœur de l’intelligence collective peut être défini ainsi : la connaissance est plus juste quand elle est issue de contributions provenant d’une population répartie. Au lieu de compter sur un seul agent, la connaissance est à son meilleur quand une foule variée est conviée au processus de co-création. Le crowdsourcing et le crowdfunding sont des manifestations de l’intelligence collective.

Dans un modèle journalistique crowdfundé où on peut choisir un pitch auquel donner – comme sur Spot.Us-, le donateur a en fait le pouvoir de choisir quels types de sujets seront écrits. Il y a un parallèle entre le don et le vote : en donnant pour le pitch d’un sujet, le donateur vote pour un sujet qu’il souhaite voir publié. Dans un modèle journalistique crowdfundé, le pouvoir éditorial devient donc décentralisé. Les gens ont leur mot à dire sur les sujets qu’ils veulent lire, à la place des rédactions.

Ce changement radical mène effectivement à une autre question inévitable : est-ce que certains sujets resteront privés de couverture, sans publicité, si les lecteurs peuvent choisir ce qu’ils souhaitent lire ? Par exemple, un article sur telle minorité n’obtiendra peut-être pas assez de dons.

Je ne considère pas cela comme un problème, car les modèles crowdfundés sont encore marginaux. Je ne pense pas non plus que cela deviendra un problème car le crowdfunding restera une source de revenus parmi d’autres.

Est-ce que les écoles de journalisme préparent assez leurs étudiants à se voir eux-mêmes en termes commerciaux ? Est-ce que ce sera plus facile pour la nouvelle génération de journalistes d’embrasser ce modèle, en raison des difficultés qu’elle a déjà connues ?

Les écoles de journalisme traditionnelles n’ont pas préparé les étudiants au changement que nous sommes en train de vivre dans l’industrie du journalisme. Les business models et la réflexion entrepreneuriale n’ont pas été assez mis en avant dans le curriculum, quand ces sujets n’ont pas carrément été oubliés.

Nous entrons dans l’ère post-conglomérat du journalisme, comme je l’ai dit plus haut. Le journalisme entrepreneurial nécessite des compétences complètement nouvelles pour les journalistes quand ils sont diplômés de leur école.

Maintenant, l’état d’esprit dans les écoles de journalisme change, et les écoles enseignent de plus en plus ces connaissances, du moins aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

Vous dites que “des changements similaires se passant dans les industries créatives, alors que les marques et les institutions comme les labels et les institutions médiatiques perdent du pouvoir.” Serait-il opportun qu’ils partagent ensemble sur ce sujet ?

Oui, tout à fait. Ces changements que nous observons dans le journalisme ont aussi lieu dans d’autres champs de la société : dans les domaines de l’éducation, de la connaissance, de la santé, du leadership, des entreprises, et les vieilles institutions du business se défont. Ces vieilles structures ne sont pas adaptées à ce nouvel âge qui requiert de la transparence et des interactions dans les deux sens.

Vous avez expliqué qu’il se passe dans le journalisme un “effet Obama”. Pourriez-vous résumer votre analyse ?

J’ai écrit sur le Huffington Post que “l’effet Obama” a lieu dans le journalisme, comme le pouvoir éditorial est en train de se décentraliser et que les gens peuvent de plus en plus avoir un impact sur les articles qui sont écrits, par exemple à travers les plates-formes de crowdfunding. Elles permettent aux gens de donner de petites sommes pour soutenir le journalisme qu’ils préfèrent et donc, une foule de donateurs peut avoir un impact. Exactement de la même façon que la foule a aidé Obama à réussir dans sa campagne par de petits dons. Le succès du crowdfunding est une autre preuve que les petites actions comptent.

Petites sommes deviendront grandes.

Vous avez noté que les donateurs ne participent pas beaucoup. À quoi cela tient-il ? Est-ce une lacune que les systèmes de crowdfunding devraient combler ?

Il est très intéressant que les donateurs dans les modèles de journalisme crowdfundé ne soient pas plus intéressés par la co-création. En principe, ils devraient participer plus, mais dans les faits, ils ne le font pas. Ils semblent estimer que c’est assez participer que de donner de l’argent pour un pitch. Ils ne contribuent pas beaucoup via les autres façons offertes, comme donner des tuyaux ou commenter.

Il y a plusieurs raisons à ce type de comportement. Le premier, c’est que les donateurs considèrent que le journaliste est l’expert sur le sujet et que les donateurs n’ont pas tant de connaissances que cela, pas assez pour les partager. Second aspect, les moyens de participer ne sont peut-être pas assez sophistiqués. En se basant sur les expériences de projets crowdsourcés dans le journalisme, plus la tâche est étroite et sophistiquée, plus il est probable que la foule participe.

Pensez-vous que les systèmes de micro-financement embeddable comme Flattr devrait et pourrait être utilisés par les médias traditionnels ?

Complètement, en fait, Flattr et son rival américain Kachingle sont appelés maintenant des “paiements sociaux”. Les lecteurs ont besoin d’avoir le choix sur le moyen dont ils payent pour le journalisme qu’ils aiment. Ils ont en particulier besoin du choix de soutenir certains auteurs et un certaines formes de journalisme, au lieu de payer pour toute la publication ou article, comme c’est le cas dans le modèle de revenu traditionnel.

Une question large pour conclure : pensez-vous, comme Andreas Kluth, qu’il n’y a pas de crise des médias ?

Non, le journalisme n’est pas en crise. Certaines entreprises de médias sont en crise car elle manque d’innovation et ont fait des investissements inconsidérés et autres décisions financières. Cependant, la débâcle financière de certaines entreprises de médias mène à la crise beaucoup de journalistes qui sont licenciés, une solution d’urgence pour sortir la tête de l’eau.

Le journalisme fait mieux que jamais, à plusieurs égards. L’audience est plus importante que jamais, par exemple le New York Times n’a jamais autant de lecteurs grâce à Internet. La liberté d’expression est plus forte que jamais car presque n’importe qui peut publier, en ligne, sans de lourds investissements dans des imprimeries et des bureaux. Le journalisme devient universel, dépassant les frontières, comme nous le voyons avec des plates-formes comme WikiLeaks.

Le journalisme fait mieux que jamais grâce à toutes les innovations qui émergent : nouveaux modèles de production de contenus, les lecteurs ne sont plus seulement des lecteurs mais participent au journalisme de co-création, expériences dans les modèles de revenus, c’est un nouvel âge d’or pour le journalisme.

La société a besoin du journalisme, c’est pourquoi il y aura toujours des façons de la financer aussi. Elles diffèrent peut-être de celles qui ont été utilisées depuis Gutenberg et sa presse imprimée mais cela ne signifie pas qu’elles soint pires. Ni que le journalisme soit en crise.

À lire aussi

De Tanja Aitamurto :

Spot.us ou l’impact du crowdfunding sur le journalisme et Les journalistes travaillent en public pour le public, deux articles publiés sur PBS MediaShift traduits par la soucoupe ; The Obama-Effect in Journalism: Decentralized Editorial Power

Ses présentation sur SlideShares

De Davduf et Fil : Flattr, vers un nouveau modèle économique ?

Images CC Flickr  kbaird et  By nickwheeleroz

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Journaliste-entrepreneur et avocats, même concept: une firme? http://owni.fr/2010/08/11/journaliste-entrepreneur-et-avocats-meme-concept-une-firme/ http://owni.fr/2010/08/11/journaliste-entrepreneur-et-avocats-meme-concept-une-firme/#comments Wed, 11 Aug 2010 13:53:43 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=21750 Cet article est une traduction de la réaction de Michael Rosenblum sur le futur du journalisme entrepreneurial suivie des réactions de pigistes et de collectifs de pigistes français que nous avons recueillis.

Vous pouvez en obtenir un... si vous le voulez.

Hier nous avons répondu à Ken Kobre, qui demandait si, à l’avenir, un journaliste devrait être un entrepreneur. Ceci en réponse au nouveau livre d’Adam Westbrook. Ken, qui étant à San Francisco avec un décalage horaire de huit heures, nous a répondu qu’il était d’accord. Cependant :

Personnellement je ne pense pas que tout soit noir ou blanc. Il est vrai que l’image du journaliste le représentant comme un opprimé grisonnant a été idéalisée à l’extrême dans les livres et les films (cela va des Hommes du président, basé sur une histoire vraie (le Watergate, NDT) à Jeux de pouvoir, une fiction, cf image.) Mais la plupart des journalistes que nous connaissons ne cherchent pas délibérément la misère. Simplement, leur passion va au reportage et au storytelling – pas aux tableurs et aux projections. Peut-être que les diplômés des écoles de journalisme ne s’efforcent pas de gagner leur premier milliard avec autant de zèle que leur confrères de MBA, mais ils ne convoitent pas des jobs mal payés par amour du frisson bohémien qu’ils procurent.

Ken, qui enseigne à l’Université de San Francisco State, connait indubitablement ses élèves et ce qu’ils cherchent après, mais ce qu’il suggère pour réussir la synthèse du business et du journalisme est, selon moi, l’abnégation de notre prise de contrôle de notre destinée :

En fin de compte, je pense que la solution résidera dans la collaboration – la formation de partenariats et de collectifs constitués de professionnels dont les atouts individuels et les talents combinés et mis à profit dans l’intérêt du bien commun. Microcosmes de petites et modestes rédactions, sans le poids mort des couches de management intermédiaire… et des bureaux.

Je ne pense pas que le modèle ici soit celui des titulaires de MBA, qui, de ce que j’en sais, sont plus des techniciens à la recherche d’un travail. Le modèle plus proche et plus efficace serait celui des avocats.

Beaucoup de ceux qui ont atterri en école de journalisme auraient tout aussi bien pu étudier le droit. Beaucoup ont été écartelés entre les deux. Le droit a tendance à attirer le même type de personnalité, et dans un sens ce sont des métiers similaires : recherche, investigation, analyse et présentation.

Beaucoup de gens font du droit motivés par la même passion qui conduit au journalisme, le désir de faire le bien et de voir ce qui est juste s’accomplir.

Néanmoins, la différence entre les avocats et les journalistes, c’est la façon dont ils ont choisi d’organiser leur profession.

Les journalistes finissent par travailler comme salarié de quelqu’un d’autre, et sont donc toujours victimes des vicissitudes du marché et de l’évolution des technologies.

Les avocats (il est vrai aussi que certains deviennent salariés) ont tendance à monter entre eux des partenariats où ils rassemblent leurs compétences et leur business.

Une firme d’avocats loue ses talents à de nombreux clients. Une firme de journalistes (pour formuler une idée intéressante) ferait la même chose. Une association de journalistes nouerait de nombreux contrats avec divers magazines, journaux, stations de télévision et sites pour offrir du contenu, comme une firme d’avocat propose leur expertise . De cette façon, ils seraient préservés d’un désastre prévisible si un journal ou un magazine mettait la clé sous la porte.

Une firme de journalistes serait une association, et comme une bonne firme d’avocats combine les fusions-acquisitions qui rapportent avec le droit courant bon marché, une firme de journalistes combinerait le journalisme d’investigation qui ne paye pas bien avec les lucratives relations publiques. Ne sursautez pas. Beaucoup de nos diplômés font des relations publiques et peuvent faire fortune. Cela nécessite les mêmes compétences.

De même, la firme de journaliste devrait étendre son cercle d’activité et dominer le monde du management de l’information, ce qui est, après tout, ce que nous faisons vraiment.

Les meilleurs firmes de journalisme pourrait faire payer plein pot pour leurs efforts combinés (incluant des livres et les droits occasionnels sur des films).

Alors que le monde des médias se fractionne et que les journaux, les magazines et les réseaux de télévisions commencent à disparaître, les journalistes vont devoir se réorganiser s’ils veulent survivre.

Ils pourraient faire pire qu’imiter leurs amis qui étudient le droit.

Et s’ils le font bien, ils devraient être capable de se payer sans difficultés le beau bateau Hinckley ci-dessus. Peut-être que dans le futur, les journalistes dans les films porteront des costumes Prada, conduiront des Porsche et piloteront leur propre yacht. Il y a pire.

Un modèle  transposable en France ?

Les conseils de Michael Rosenblum trouvent-t-ils un écho en France ? Les pigistes et collectifs de pigistes interrogés se montrent plutôt circonspects.

Freelance, Sylvain Lapoix note déjà que “redistribuer les bénéfices afin de souder une coopération ne nécessite pas de se monter en cabinet : les coopératives ou certaines formes d’économie sociale et solidaire font ça très bien, comme les scops, en injectant une dose de démocratie interne au passage.” Se regrouper donc oui, mais pour exercer quelle activité ?

Le costume de travail du journaliste travaillant dans une firme ? Pas gagné...

Le jeune collectif Youpress, est une association loi 1901 regroupant huit freelances. La répartition des salaires est égale sur les projets communs. Sur l’avantage de se regrouper, ils sont d’accord : “Nous misons sur une marque pour vendre nos piges, nous nous positionnons sur un marché de l’information. Nous sommes une équipe rédactionnelle, ce qui favorise la relation avec nos clients. Comme nous sommes plusieurs, cela les rassure, la continuité est assurée. Le collectif facilite aussi l’organisation logistique.” Il déplore aussi le manque de culture entrepreneurial en France : “C’est une réalité de fait, or en école de journalisme, on n’a pas conscience de cet aspect.” Il note aussi la difficulté de travailler ensemble, la réputation d”individualiste” des journalistes n’est pas galvaudé à les en croire : “C’est un apprentissage au quotidien, ce n’est pas simple tous les jours.”

Le collectif breton Objectif Plume fonctionne un peu différemment de ses confrères puisqu’au départ, les pigistes travaillaient chacun de leur côté. Il leur arrive maintenant de collaborer sur des projets. Sur le principe du regroupement, Carole André approuve : “Une agence, oui, je voulais d’ailleurs faire ça au départ, une agence de presse avec des journalistes spécialisés dans des domaines, capables de répondre à toutes les demandes.” Et l’image du journaliste crève-la-faim ne fait pas non plus partie de son panthéon : “La galère n’est pas nécessaire pour être un bon journaliste. Mais il y a un juste milieu, on ne fait pas ce métier pour rouler en Porsche.”

Là où les personnes interrogées divergent franchement d’avec Michael Rosemblum. D’abord pour des raisons pragmatiques : en France pour garder sa carte de presse, il faut que 50% des revenus soient tirés de l’activité journalistique. Le mélange des genres a ses limites. Ou alors il faut des profils dédiés “comm” et “journalisme”. Et encore, ce ne serait pas une solution forcément optimale : “Il faut choisir son camp car cela peut s’avérer dangereux de mélanger les genres : on peut croiser des gens dans un autre contexte” note Youpress. “Pour finir les fins de mois, pourquoi pas…” indique Carole.

De même, Sylvain Lapoix n’est pas contre la diversification mais en restant dans le champ du journalisme : “Quitte à se diversifier, autant réaliser des conférences, des formations, des livres… et profiter des économies d’échelle plutôt que de tout foutre en l’air en cédant au premier cabinet de marketing venu !” Ce qui le gêne plus, c’est le “dévoiement” d’une telle solution : “Si on fait de la synergie, c’est pour optimiser la qualité générale de l’info, pas pour se brader collectivement pour faire de la comm’. L’avantage d’un groupe de journaliste qui se fabrique une marque collective, c’est justement de pouvoir revendiquer une certaine indépendance et s’assurer une sécurité financière et légale.”

Image par Elliot Lepers

Outre le ton “très donneur de leçon”, Tatiana Kalouguine, pigiste, membre du collectif « Les Incorrigibles » ne croit pas qu’il faille « faire la synthèse du business et du journalisme ». Elle juge que la proposition de Michael Rosenblum n’est pas très crédible dans le contexte actuel : “Comment être pris au sérieux en racontant à des journalistes en voie de paupérisation qu’il existe un moyen pour eux de devenir riche au point de s’acheter un yacht, de rouler en Porsche et de s’habiller en Prada comme les plus grands avocats d’affaires ?” C’est “très macho”, note au passage Carole.

Sur le fonctionnement même du cabinet, elle doute de son efficacité : “Des journalistes associés placeraient un capital dans l’affaire et se répartiraient ensuite le bénéfice de leur business en fonction de leur apport initial. Mais alors, celui qui a misé le plus devra-t-il aussi plus travailler, puisqu’il gagnera plus que les autres ? Et si, dans cette association, certains font de l’investigation et d’autres des RP, cela voudra dire que les premiers dépenseront le pognon que les seconds auront gagné. Pas sûr que ce soit terrible pour l’ambiance de travail. Certes, un tel système a le mérite de pousser tout le monde à carburer à fond pour faire rentrer des sous. Mais comment engranger quand la pige plafonne entre 60 et 120 euros le feuillet ? Qu’une enquête peut mettre des semaines, voire des mois, à être réalisée et donc payée? Un avocat est payé au temps passé, un journaliste au travail effectué. Difficile synthèse.” Quant au choix du mixage des activités, “si l’objectif principal des associés journaleux est le lucre, leur choix sera vite fait.
Si la solution pour sauver le journalisme est de nous faire créer des boîte de RP avec l’enseigne « firme journalistique », il faudrait juste lui dire d’être plus clair, et d’appeler un chat un chat.

Avec des discours comme ‘Il faut trouver un moyen pour gagner du pognon avec la presse’, on en arrive vite à : ‘L’info ne paie pas, donc quel intérêt d’en faire ?’”

Carole André insiste aussi sur la nécessité de ne pas se brader, sinon, c’est “accepter que son travail ne vaut rien.” Un écueil auquel les journalistes américains échapperaient selon elle : “Cela ne leur viendrait pas à l’idée de travailler gratuitement.”Et les jeunes forçats français ne seraient pas au courant ?…

Billet initialement publié sur le blog de RosemblumTV

Image CC Flickr Vaguely Artistic

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Couve, Lapoix, Raphaël: le journalisme entrepreneurial en débat http://owni.fr/2010/03/12/couve-lapoix-raphael-journalisme-journaliste-entrepreneur-debat/ http://owni.fr/2010/03/12/couve-lapoix-raphael-journalisme-journaliste-entrepreneur-debat/#comments Fri, 12 Mar 2010 17:23:16 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=9934 Sylvain Lapoix, Philippe Couve et Benoît Raphaël : quelles voies pour le journalisme à l'heure du mediastorm ?

Sylvain Lapoix, Philippe Couve et Benoît Raphaël : quelles voies pour le journalisme à l'heure du mediastorm ?

Benoît Raphaël, Philippe Couve, Sylvain Lapoix : trois journalistes aux profils variés qui ont en commun d’avoir renoncé au statut de salarié d’un média national majeur pour se lancer en indépendant. On parle parfois d’eux comme de “journaliste-entrepreneur”, terme à la mode aux contours flous. Tenter de le définir , c’est nécessairement en venir à la douloureuse question du business model de l’information, secteur en pleine crise. Quitter la romantique image d’Épinal du métier pour mettre les mains dans le cambouis pragmatique de l’économie.
À l’occasion d’une interview croisée à la soucoupe, ils ont échangé leur point de vue sur cette notion.

Journaliste-entrepreneur, est-ce une bonne façon de vous définir ?

Benoît Raphaël : Tout dépend de ce que l’on entend par entrepreneur, si c’est un journaliste qui devient entrepreneur de son propre destin, oui pourquoi pas. J’ai toujours été entrepreneur dans les entreprises dans lesquelles j’ai travaillé. Pour moi, un entrepreneur est une personne qui a une vision d’entreprise dans le média et qui essaye de mener des projets et évidemment de trouver le modèle qui va avec. C’est plutôt un état d’esprit qu’un statut, qui a toujours existé dans les entreprises.

benoit

D'abord cadre dans la PQR, Benoît Raphaël a co-fondé et dirigé la rédaction du Post.fr, site communautaire et participatif lancé en 2007 par Le Monde interactif. Il vient de démissioner de ce post pour explorer ailleurs le journalisme digital et ses modèles économiques. Photo Pierre Meunié.

Après, l’expression “journaliste-entrepreneur” vient de Jeff Jarvis, qui estime que le journaliste doit aussi devenir entrepreneur. Du fait de la fragmentation des contenus et des marques, le journaliste joue sur ce qu’on appelle le personal branding, sa propre marque, il se prend en charge lui-même. Mais il peut très bien le faire au sein d’un média.

Il doit aussi s’intéresser à la technologie, au marketing, à son propre marketing, quelque part se considérer comme un propre média dans le média ou comme un propre média dans le réseau. Comme il s’intéresse à son entreprise, il s’interroge sur son modèle économique. C’est plutôt une évolution par rapport à un environnement, qui fait qu’un journaliste naturellement entrepreneur va se sentir plus à l’aise dans cette démarche.
De ce point de vue, on peut parler de journaliste-entrepreneur. Mais ce n’est pas forcément quelqu’un qui crée une entreprise.

Je ne suis pas producteur d’information actuellement , à part mon blog, qui n’est pas vraiment un média très vaillant. Je ne me considère donc pas vraiment comme un journaliste maintenant.

Par contre, je travaille sur mon personal branding, mais c’est plus dans l’idée de monter des projets. Innover, tout le monde peut, le tout c’est de mettre en pratique. Jeff Jarvis a d’excellentes idées mais il faut passer à la réalisation ensuite.

Diplômé de l'IPJ en 2007, Sylvain Lapoix a travaillé à la rédaction du site de l'hebdomadaire Marianne de décembre 2006 à décembre 2009, où il couvrait la politique et les médias. Légalement, il est désormais chômeur, travailleur occasionnel. Il est à l'origine du Djin, un collectif informel "pour renouveler, développer et défendre le journalisme web". Photo Pierre Meunié

Diplômé de l'IPJ en 2007, Sylvain Lapoix a travaillé à la rédaction du site de l'hebdomadaire Marianne de décembre 2006 à décembre 2009, où il couvrait la politique et les médias. Légalement, il est désormais chômeur, travailleur occasionnel. Il est aussi à l'origine du Djin, un collectif "pour renouveler, développer et défendre le journalisme web". Photo Pierre Meunié.

Sylvain Lapoix : Dans le mot “journaliste-entrepreneur”, ce qui me gêne et me fait peur d’un point de vue social, c’est que cela me rappelle auto-entrepreneur. Faire porter la charge patronale au salarié, c’est dangereux. Si c’est temporaire et que cela donne lieu à une transformation, ça va, mais il ne faut pas que cela s’installe.

En revanche, l’idée que le journaliste soit sa propre entreprise dans le sens où le définissait Benoît Raphaël, avec une conscience de son modèle économique, une prise en main de ses outils de diffusion, le développement d’une marque, donc un marketing, au sens basique du terme, ça me parle déjà plus.
Moi, je suis producteur, et je veux absolument le rester. Cela m’intéresse de participer à des projets, je me définirais donc plus comme un journaliste de projet. Ma collaboration avec Marianne2.fr a été très fructueuse, mais on m’a proposé beaucoup de projets à côté.

Et le fait est qu’avec les technologies qui se développent, avec les demandes qui évoluent et aussi avec les opportunités qui se profilent, je me place plus dans cette posture, c’est-à-dire qu’on collabore ponctuellement sur une idée, pour développer un environnement d’information, un live-blogging, un live-twitting…

Philippe Couve vient de quitter RFI, à la faveur d'un plan social, radio où il a été successivement présentateur, grand reporter, co-chef du service Internet puis animateur de l’Atelier des médias, l’une des premières web-émissions participatives. Actuellement en préavis, il suit une formation qui l'aidera à choisir son statut. Photo Pierre Meunié.

Philippe Couve vient de quitter RFI, à la faveur d'un plan social, radio où il a été successivement présentateur, grand reporter, co-chef du service Internet puis animateur de l’Atelier des médias, l’une des premières web-émissions participatives. Actuellement en préavis, il suit une formation qui l'aidera à choisir son statut. Photo Pierre Meunié.

Philippe Couve :  Je n’ai pas le même positionnement. Aujourd’hui, le Washington Post gagne de l’argent parce qu’il fait de la formation. Avant, les journaux gagnaient de l’argent car ils faisaient des petites annonces. Aujourd’hui, il faut absolument élargir le bac à sable, car si on reste dans le bac à sable du contenu, ça ne marche pas. Vous-même (Owni.fr ndlr), vous développez un média dont l’économie est ailleurs.

Il ne faut plus réfléchir uniquement à “quels contenus je produis pour quel public ?”, mais “qu’est-ce que je sais faire, qu’est-ce que je peux valoriser là-dedans ?” Il faut exploiter nos compétences de journaliste dans d’autres secteurs. Il peut s’agir de la formation, par exemple ou de l’innovation. En tant que médias, nous savons répondre à de nombreuses questions : qu’est-ce que publier, qu’est-ce que c’est une stratégie éditoriale, comment la mettre en oeuvre, comment assumer ses responsabilités juridiques par rapport à ça, comment exister dans les réseaux sociaux, etc. Or beaucoup de personnes se retrouvent éditeur sur le web et n’ont absolument pas la compétence, c’est là que le journaliste intervient aussi. C’est là-dedans qu’il faut trouver un équilibre.

Benoît Raphaël : La diversification existe déjà ailleurs, comme dans la PQR, faire des événements, organiser des voyages, des petites annonces, etc.
Le but du jeu reste de trouver le modèle économique de l’information, on sait qu’elle coûte cher, c’est aussi le sel de la démocratie, même si ça parait démagogique de le dire. Le journalisme n’est pas là pour gagner de l’argent, sinon il faut travailler chez Meetic, des sites de jeu. Il faut élaborer des modèles qui permettent de supporter une activité d’information, qui fait à la fois ta marque et porte des valeurs. Et d’ailleurs cette marque de qualité va te permettre de vendre d’autres choses ailleurs.
Le but d’un média, sauf certains médias verticaux, a toujours été de faire circuler l’information et de nourrir ça. Il faut vraiment que l’activité participe d’un écosystème,
la formation, c’est intéressant mais cela prend du temps, il ne faut pas que ça mobilise les journalistes au détriment de l’information.

Sylvain Lapoix.:  Cela me pose un problème déontologique de gagner ma vie en formant des étudiants, en me disant que ce métier est mort. S’il faut travailler sur les marques, c’est aussi sur la marque des journalistes, je prêche pour ma paroisse bien sûr. Le premier boulot des journalistes, c’est de raconter des histoires. Je ne dis pas que c’est mal d’avoir des activités parallèles, la question que je me pose, c’est moins comment financer de l’info qui se produit à perte que pourquoi les gens à un moment ont cessé de la payer. Où est le dérèglement dans le coût de l’information ? Ce n’est pas si cher que ça.

Philippe Couve : Contrairement à toi, je pense que le vieux modèle est cassé.

Benoît Raphaël : Il n’est pas cassé, il est en mutation, il faut le faire évoluer, on est très romantique en France, on a toujours des visions. Il y a un modèle pour le reportage de fond, Florence Aubenas sort un livre qui est merveilleux, XXI est un modèle qui fonctionne bien aussi. Le problème n’est pas “comment fait le journaliste pour s’en sortir ?” mais “comment fait le journalisme dans son ensemble pour continuer à perdurer ?”. Je pense qu’il y a une information de flux, au quotidien, chaude, avec de la valeur ajoutée, qui est nécessaire, et une information de fond, plus froide. Pour la fabriquer, il faut un journalisme, et le journaliste est dedans, il peut s’agir de journalistes-entrepreneurs qui vont sortir des informations, ce peut être aussi des blogueurs.
Comment ce nouvel écosystème, en formation, se poursuit ? Cela passe par du journalisme entrepreunarial mais aussi par le financement des blogueurs, parce que certains font un vrai travail d’éclairage tous les jours, et parfois d’information.

En quoi le journaliste-entrepreneur se différencie du free-lance ?

Philippe Couve : À un moment, il faut assumer le risque économique de ce qu’on monte, ça change fondamentalement la perspective.

Benoît Raphaël : Le journaliste ne doit pas non plus être tout le temps devant le chiffre d’affaires qu’il ramène.

Philippe Couve : C’est ta contrainte, mais c’est aussi ta liberté. Quand on entend sans cesse “non, on n’a pas les moyens de faire ça ” et que tu te retrouves dans ton coin et qu’on te dit “débrouille toi avec rien”, tu réponds, “file moi les comptes, on va peut-être arbitrer”.

Benoît Raphaël : C’est comme une maison d’édition qui va financer des best-sellers pour financer d’autres choses qui correspondent aussi à ses valeurs, et ce n’est pas bête de procéder ainsi. Le problème, c’est que l’information s’est fragmentée, ce qui détruit ce modèle, et que du média compacté et du package, tu arrives sur un réseau, c’est au journaliste d’arriver à s’organiser ou d’organiser des réseaux qui permettent peut-être de trouver ces équilibres-là.

Comment portez-vous concrètement votre projet ?

Philippe Couve : Aujourd’hui, je suis en préavis après avoir quitter RFI et je suis une formation de créateur d’entreprise dont je rends compte sur www.journaliste-entrepreneur.com et qui va me conduire à créer ma société. Dans quels délais ? Je l’ignore encore.
Benoît Raphaël : C’est des rencontres et du travail.
Sylvain Lapoix : Pareil !

La crise des médias est-elle une opportunité ?

Philippe Couve : La crise des médias, comme toute crise, n’est ni bonne, ni mauvaise. Elle est mauvaise pour l’ordre ancien et bonne pour le nouvel équilibre qui sera trouvé. Du point de vue des individus, elle permet de rebattre les cartes. Il y aura ceux qui resteront prisonniers de l’ordre ancien, ceux qui parviendront à s’adapter et ceux qui participeront à l’établissement des règles du nouvel équilibre.
C’est comme avant. Il y a ceux qui ne s’en sortent pas, ceux qui surnagent et ceux qui prospèrent. La différence, c’est que la crise offre l’opportunité de changer de catégorie.

Quels conseils donneriez-vous à une journaliste qui souhaite être à son compte ?

Benoît Raphaël : Bosser dans une rédaction, c’est une aventure extraordinaire, tu apprends beaucoup, il faut passer par là. Ce n’est pas forcément une rédaction traditionnelle, on peut être journaliste-entrepreneur en réseau, dans une rédaction. Le média, même s’il est fragmenté aujourd’hui, même s’il est en réseau, c’est une aventure qui est humaine avant tout.

Maintenant, j’ai la chance de pouvoir choisir entre différentes voies. À ce stade de mon évolution, je n’ai pas spécialement envie d’être journaliste-entrepreneur au sens où nous l’avons évoqué car cela ne veut pas dire grand chose pour moi : je suis avant tout un homme de projets, ce qui me passionne, c’est de faire avancer les choses. Nous avons été iconoclastes et défricheur au Post, provoquant le débat , et cela me permet aujourd’hui de continuer à être légitime dans ce domaine. Maintenant j’ai envie de travailler sur des médias qui font avancer les idées. Je me vois plutôt comme un journaliste, en tout cas un professionnel de l’information aujourd’hui, qui dans le domaine de l’information digitale, va essayer de continuer de construire.
Je pense que les vieux médias n’ont pas la solution, c’est très difficile de faire bouger les choses dans un grand groupe, j’ai envie de le faire ailleurs, pour voir, pour avancer plus vite. J’ai essayé de le faire dans un grand média, c’est très compliqué, même si c’est passionnant. J’ai plutôt envie de partir sur une aventure humaine.

Sylvain Lapoix : Je suis d’accord avec Benoît et Philippe, il faut passer par une rédaction, pour voir ce qu’il y à faire et comment ça fonctionne, d’un point de vue humain, entrepreunarial. Avant de démonter une voiture pour la remonter, il faut savoir comment elle est faite avant.
Un conseil que je donnerais à tous mes étudiants en journalisme : écrivez, sur un blog, sur Twitter, n’importe où, mais écrivez, apprenez à communiquer avec les autres, ayez une culture de l’échange, discutez, pour apprendre à parler avec les autres et à leur faire comprendre des idées, et après intéressez-vous à la technique.

une-rencontre

Il est impossible (légalement) d’être journaliste et auto-entrepreneur. Dans un contexte de mutation, si l’on veut être un journaliste-entrepreneur, au sens “mettre en pratique ces idées innovantes”, et sauf à disposer d’un beau matelas d’économies, ce qui est rarement le cas d’un junior, c’est pourtant une solution qui semble logique. “Il y aura sans doutes moitié moins de cartes de presse d’ici cinq ans.” a prédit au cours de la discussion Philippe Couve. Tout à fait d’accord. Et qu’en parallèle une armée de journaliste auto-entrepreneur – d’autojournalistes entreprenants ? – se lève et construise l’écosystème de l’information de demain ne nous surprendrait guère ; nous n’aspirons d’ailleurs pas à moins /-)

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